La nuit...

La nuit semble un creuset pour l’imaginaire, l’occulte, le magique, le mystère, les peurs enfantines soudain recrées à la faveur d’un bruit non identifié, d’un craquement suspect… Nuits de sommeil ou de veille, toujours drapées de sombre, enveloppantes, caressantes, apaisantes, érotiques ou studieuses, pénombre d’alcôves bruissantes de soupirs, chuchotements furtifs d’un stylo sur un feuillet, antres obscurs des recoins… Et si sous le lit il y avait un monstre ?
La nuit et ses jupons de sultane constellés d’étoiles, propice aux rêveries, la nuit épaisse, lourde d’angoisse, la nuit chagrine qui ressasse les problèmes, la nuit pleine de lune des loups-garous et des vampires… On en a dit, des choses sur la nuit !

Vous aimez, ou vous n’aimez pas, ces heures bizarres et lentes, « barlongues* », où le temps s’écoule, semble-t-il, différemment, où les ombres prennent des proportions parfois effrayantes, où les paysages disparaissent et se fondent en contours flous, ponctués, ça et là, de lumières incertaines, de fenêtres éclairées, d’étranges mouvances ?

* « les Paravents chinois »

Pffft ! La nuit du samedi au dimanche en revenant de chez Juju, voilà la vraie poésie...
Sous le lit, il n'y pas de monstres, mais des pochetrons tellement bourrés qu'ils n'ont même pas eu la force de se glisser dans les draps.
La nuit, j'entends mon cousin ronfler, c'est poétique aussi, des fois.

Mais la nuit peut enfanter la terreur : vous rêvez, vers minuit, au hasard d'un sentier qu'enveloppe la douce pénombre estivale (euh... en ce moment, pas trop...), et tout à coup une forme inhumaine se dresse devant vous en ricanant : "Ciel, un G. !"

Raconte, Pimbi, les retours de chez Juju... les nuits d'ivresse, la poésie en chansons bras dessus-bras dessous...

Remarque bien que j'en rajoute : on n'est jamais bourrés, et on limite la consommation, pas envie de verser dans l'alcoolisme. C'est plutôt l'occasion, d'abord de bien manger (car souvent, le samedi soir, on dîne chez Juju, dont l'épouse est un cordon bleu), et aussi, de faire de la musique. Figure-toi qu'on est une bonne dizaine à jouer d'un instrument. C'est ce qui avait sidéré l'homme en noir dont j'ai parlé précédemment et qui l'était d'autant plus que les filles Wilcox avaient débarqué en plein milieu des joyeusetés. Les filles Wilcox, comme leur patronyme l'indique, sont anglaises de naissance et parlent parfaitement leur langue maternelle qu'elles entretiennent avec leurs parents. Seulement, ayant été exilées dans la région dès la première enfance, quand elles causent français, c'est avec un accent du coin à couper au couteau. Or, elles passaient de l'anglais au français sans que HEN (homme en noir) démêlât cette singularité. Il a fallu lui expliquer ce que je viens de dire. Sur ces entrefaites se pointe Gloria, une copine équatorienne, la fille du monde la plus sympa et la plus dégagée. Avec elle, Jo et moi nous parlons espagnol. Donc, nous voici jactant dans la langue de Cervantès. Puis arrive Carlo, qui est romain. Je parle donc italien avec lui. Je ne dis rien des Béarnais qui étaient là et qui s'envoyaient quelques vannes dans leur dialecte, ni des Basques, évidemment, qui cultivent leur idiome avec amour. HEN se grattait le cuir chevelu d'être aux prises avec tant de jeunes gens quasiment tous polyglottes, et de surcroît excellents musiciens pour la plupart.
Petit projet dans l'air et qui suscite l'enthousiasme, assembler un orchestre d'une vingtaine de personnes pour jouer un peu du répertoire baroque.

La nuit est mon domaine
Dans mes rêves, je m'y promène
Un chant de chouette au loin
Hulule jusqu'au matin
Que restera-t-il au réveil
De ce monde où le ciel
Brille de mille étoiles
Revêtant sur la toile
Un tissu sur fond noir
Damassé par l'espoir!

(la chouette)

Joli

J'adore la nuit et ne la vois que très rarement, en vacances le plus souvent. Couche-tôt et lève-tard que je suis, il me faut de plus déplorer la dangerosité de ma région, le mauvais temps belge et le fait qu'aussi près de la ville, je vois peu d'étoiles.

Mais en vacances...

Moi j'aime la nuit. Couche-tard et lève-tôt, j'en profite à l'envi pour écrire, écouter de la musique, lire, toutes choses que je fais rarement le jour. La nuit me déconnecte en quelque sorte d'une certaine réalité. Mais je crains "le noir" et un certain silence : je ne peux pas dormir dans une pièce dont les volets et les fenêtres sont fermés, ni sans un fond sonore quelconque. Tout ça parce qu'un abruti d'oncle m'a un jour, pour je ne sais plus quelle bêtise, enfermée tout un après-midi dans un "cabinet noir" avant de partir aux vignes.

La nuit je mens, je prends des trains à travers la plaine ...

Et aussi, la nuit

... je deviens fou (Adamo)
... tous les chats sont gris
... porte conseil
... des temps
... de Chine
... éternelle
... blanche, noire, d'encre, de folie
... du tombeau et de la saint Jean

...

Souffrant assez souvent d'insomnies, je profite de la nuit pour écouter la musique que j'aime, souvent en lisant les trucs un peu durs à lire dans le brouhaha de la journée.
C'est un moment où la concentration est maximale, le silence bienfaisant enveloppe toutes choses, les ombres s'étendent en des endroits inhabituels, ce qui favorise le vagabondage des idées que rien ne vient troubler.
En bref, j'adore la nuit.

La nuit, quand tous les chats sont gris...
Le Pimbi l'est aussi, depuis la veille au soir.
Son sommeil est un défouloir
Où il cuve à loisir son trop d'Irouléguy.

grumpythedwarf a écrit:Souffrant assez souvent d'insomnies, je profite de la nuit pour écouter la musique que j'aime, souvent en lisant les trucs un peu durs à lire dans le brouhaha de la journée.
C'est un moment où la concentration est maximale, le silence bienfaisant enveloppe toutes choses, les ombres s'étendent en des endroits inhabituels, ce qui favorise le vagabondage des idées que rien ne vient troubler.
En bref, j'adore la nuit.

Petites parenthèses enchantées...

Que j'adore la nuit, elle permet d'oublier, c'est le doliprane de la sociabilisation ...

Seuls avec nous-mêmes, pas de regards se posant sur nous, pas de questions et donc pas de réponses à fournir.

Juste nous et le ciel étoilé.

Aucune influence, nous sommes seuls, en harmonie avec nous-même et ce silence, si bon qu'on s'interloque au point de se demander si nous ne sommes pas devenu sourds !

Au fil de nos pensées, ô combien philosophiques, nous paupières deviennent lourdes, nos bâillements se font plus fréquents, nous sommes apaisés, on ressent un plaisir incommensurable à déplier nos jambes, à les étendre ...

Finalement qu'ils sont si bons ces plaisirs simples de la vie ...

Et les nuits d'Hiver, que je les aime ces nuits d'Hiver, à savoir que je dors la fenêtre ouverte ! Ce petit vent venant me caresser la jambe que je sors et que je rentre lentement lorsque j'ai froid, que c'est bon !

Dormir en sachant que le lendemain, 4 pains grillés m'attendent, sur lesquels j'appliquerai du beurre tendre et de de la confiture à la fraise ou bien du miel selon mon humeur du matin.

Déjà un si bon régal, auquel j'ajouterai un verre de jus d'orange d'Espagne.

Toua, tu me prends par les sentiments avec ta confiture et ton miel sur les pains grillés et le jus d'orange Paquito bio, alors qu'on vient juste de déjeuner ! (tard : hier, c'était samedi soir... eh, eh...)

Et ce fut une nuit Jujuesque ?

Une nuit de répétition : nous avons la ferme intention, comme je le disais dans un post précédent, d'assembler un petit orchestre pour jouer le répertoire baroque : hier, c'était la deuxième suite de Bach, mais il nous manque deux violonistes de bon niveau pour faire bonne mesure. Sinon, chouette ! La flûte baroque de Jo est magnifique, et les autres se débrouillent très bien. Quant à moi, Benoit (éleveur de volailles et gambiste de talent, avec une vraie viole d'époque) a un fourgon, on met mon instrument électronique dedans, il n'est pas lourd, et voilà un clavecin tout prêt.
A deux heures, fini : tout le monde était fatigué.

Maupassant a écrit quelque chose d'assez beau sur la nuit et ce qu'elle lui inspire :

" J'aime la nuit avec passion. Je l'aime comme on aime son pays ou sa maîtresse, d'un amour instinctif, profond, invincible. Je l'aime avec tous mes sens, avec mes yeux qui la voient, avec mon odorat qui la respire, avec mes oreilles qui en écoutent le silence, avec toute ma chair que les ténèbres caressent... Le hibou fuit dans la nuit, tache noire qui passe à travers l'espace noir, et, réjoui, grisé par la noire immensité, il pousse son cri vibrant et sinistre.
Le jour me fatigue et m'ennuie. Il est brutal et bruyant. Je me lève avec peine, je m'habille avec lassitude, je sors avec regret, et chaque pas, chaque mouvement, chaque geste, chaque parole, chaque pensée me fatigue comme si je soulevais un écrasant fardeau.
Mais quand le soleil baisse, une joie confuse, une joie de tout mon corps m'envahit. Je m'éveille, je m'anime. A mesure que l'ombre grandit, je me sens tout autre, plus jeune, plus fort, plus alerte, plus heureux. Je la regarde s'épaissir la grande ombre douce tombée du ciel : elle noie la ville, comme une onde insaisissable et impénétrable, elle cache, efface, détruit les couleurs, les formes, étreint les maisons, les êtres, les monuments de son imperceptible toucher.
Alors j'ai envie de crier de plaisir comme les chouettes, de courir sur les toits comme les chats ; et un impétueux, un invincible désir d'aimer s'allume dans mes veines."

Quel style, Maupassant !
Les modernes ne savent plus faire de belles descriptions.
On privilégie l'action. Pfffff...

Oui, quel style unique. Il n'était plus de ce monde déjà et il est allé rejoindre la nuit éternelle qui pour lui (pour nous ?) n'est que Lumière inimaginable...

Je me retrouve dans ces lignes qu'il écrit: ``

"Le jour me fatigue et m'ennuie. Il est brutal et bruyant. Je me lève avec peine, je m'habille avec lassitude, je sors avec regret, et chaque pas, chaque mouvement, chaque geste, chaque parole, chaque pensée me fatigue comme si je soulevais un écrasant fardeau."

J'en suis à ce stade de ma journée si semblable aux autres qu'il a fallu que je consulte un calendrier pour savoir quel jour nous étions !

On sait comment a fini Maupassant...

Non, je ne sais pas.
Comment a-t-il fini ?

grumpythedwarf a écrit:Non, je ne sais pas.
Comment a-t-il fini ?

Il était un M., non un G., il ne peut mal finir.

Après avoir tenté de se suicider (deux fois je crois), il a été interné. Il est, paraît-il, mort paralysé après une longue période de "semi coma". Une bien triste fin.

Merci, Flo.

Nous avons eu droit à plusieurs téléfilms réalisés à partir des nouvelles de Maupassant. C'était assez inégal quant à la qualité, mais j'avais beaucoup aimé "Deux amis", particulièrement tragique, ou "Yvette" récemment rediffusé.

Pour ceux (celles) que ça intéresse, on peut trouver les textes de ses contes et nouvelles ici, listés par ordre alphabétique : http://maupassant.free.fr/contes3.htm

J'ai vu plusieurs de ces téléfilms qui étaient très bien faits.
Le rendu de la paysannerie de l'époque, en particulier.