Drame au Palais
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Re: Drame au Palais
J'infirme ce que dit Pimbi: l'Irouléguy , bien que costaud, n'est pas non plus imbuvable ! Je suis toujours en vie !
gingembre- Habitué du forum ++
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Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
J'en avais goûté à un salon des arts ménagers ou des vacances, chéplu, ce n'était pas terrible, tout de même, je l'ai trouvé assez agressif à l'estomac.
Medea- Habitué du forum +
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Re: Drame au Palais
Les Normandes ne craignent rien, avec le calva elles ont l'estomac blindé.
Pimbi- Habitué du forum ++
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Localisation : En transit forcé
gingembre- Habitué du forum ++
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Localisation : calvados
Medea- Habitué du forum +
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Localisation : Koutaïs
Re: Drame au Palais
Pour infos, je n'aime le calva que dans un grog, parce que j'ai horreur du rhum. Lorsque j'ai mal à la gorge, je mets deux cuillerées de calva dans l'eau bouillante avec du citron et du miel...C'est un délice et un bon remède en plus...
Minerve- Habitué du forum +
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Localisation : Normandie
Re: Drame au Palais
J'aime bien le rhum ! Dans un grog ou un baba, des bananes flambées, dans la glace rhum-raisins, le cuba-libre... mais je ne peux pas le boire pur
Floréane- Habitué du forum ++
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Localisation : plein sud
Re: Drame au Palais
Donne du 'hum à ton homme
Et aussi tu tabac !
Donne du 'hum à ton homme
Et tu ve''as comme il t'aime'a ! (Chanson antillaise)
Et aussi tu tabac !
Donne du 'hum à ton homme
Et tu ve''as comme il t'aime'a ! (Chanson antillaise)
Pimbi- Habitué du forum ++
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Localisation : En transit forcé
Re: Drame au Palais
J'en reste baba...
Minerve- Habitué du forum +
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Localisation : Normandie
Re: Drame au Palais
Ce qui n'avance pas notre Drame au Palais
Medea- Habitué du forum +
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Localisation : Koutaïs
Re: Drame au Palais
Patience, j'en suis à la fin, mais j'ai des urgences qui consument l'essentiel de mes forces vives ; des urgences intéressantes, très intéressantes que je n'éluderais pas sans commettre une grave étourderie.Medea a écrit:Ce qui n'avance pas notre Drame au Palais
Pimbi- Habitué du forum ++
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Date d'inscription : 27/09/2012
Localisation : En transit forcé
Re: Drame au Palais
Bon, voilà, je vous poste le premier acte de "Drame au Palais" pour ceux qui ont envie de le lire.
Drame en cinq actes d'un auteur anonyme qui fait bien de le rester.
Personnages
– Floréane, princesse du Palais, amante présomptive de Pimbi.
– Paprika, sa suivante.
– Médéa, épouse de Louis, roi du Palais.
– Louis, roi du Palais.
– Pimbi, chevalier amant putatif de Floréane.
– Jérôme, cousin et boy friend de Pimbi.
– Grumpy, dominicain inquisiteur pour la foi.
– Guardian, délateur, intrigant et éminence grise de Grumpy.
– Daniel, résident britannique d'Arrast-Larrebieu.
– Le père Vairpépair, confesseur du roi et de la reine, en réalité Guardian déguisé en théatin.
– Gilbo, maîtresse secrète de Guardian et médecin de la famille royale.
– Gingembre, duchesse souveraine de Normandie.
– Minerve, mère de Gingembre, directrice d'un journal local, le p'tit Normand futé.
– Tonax, avocat à la Cour.
– Le Président du tribunal.
– Un petit frère.
On a décidé de modifier la métrique de la désinence –tion qui ne comptera plus qu'une syllabe. En revanche, Louis est en deux, Lou-is. Pour expiation, c’est : expi-ation ; ép-ier en deux syllabes, sans la césure sur le "i". De même, les mots en –cieu(x) ne se décomposeront plus en deux syllabes mais compteront pour une seule (pré-cieux, ambi-tieux, glor-ieux, déli-cieux, etc.)
Acte I – La fuite
Scène 1 : Floréane – Paprika
Les appartements de dame Floréane, au Palais
Floréane
Ah, chère Paprika, tu me mets en émoi !
Est-ce vrai, ce qu'on dit ? Que Louis notre roi
A exilé Pimbi par-delà les frontières ?
Qu'il ne reviendra plus ? Qu'il est banni, qu'il erre
De contrée en contrée, traînant sur les chemins
Sa tristesse accablée et son pesant chagrin ?
Paprika
J'en ai la preuve, hélas ! Je le vis hier au soir
Seller son destrier, brisé de désespoir,
Et attachant ses yeux aux créneaux de la tour
Où il pensait vous voir, vous son unique amour…
Floréane
Ah, cesse, Paprika, je n'en puis plus, je meurs !
J'ai touché aujourd'hui le fond de mon malheur…
Mais pourquoi cet exil ? Qu'a-t-il fait ? Lui, coupable ?
D'aucun de ces forfaits je ne le crois capable,
Et notre roi s'égare à résigner sa foi
A tous ces mécréants qui le trompent ; je vois
Déjà dans l'ombre affreuse où ils terrent leurs vices
Le long cheminement des courtisans complices…
Ils trament contre nous de sinistres forfaits
Et répandent leur fiel jusque dans le Palais,
Jusqu'au trône sacré où leurs faces de cire
Insultent notre nom et fourvoient notre sire.
Que te dirai-je enfin ! Louis les avantage,
Il leur a octroyé à tous deux en partage
Des châteaux, des terrains, des chasses giboyeuses
Où le chevreuil pullule, où des forêts nombreuses
Font pleuvoir dans leur coffre un torrent de ducats.
Et voilà qu'à présent, revêtant l'apparat
De ces nouveaux seigneurs nés de titres ronflants,
Ils prennent le haut ton et s'en vont, importants,
Se tresser des lauriers pour mieux nous dénoncer
Selon leurs intérêts : ils n'en ont point assez
De traîner dans la boue ceux qui leur font de l'ombre,
Et Pimbi leur en fait : lui seul, dans les décombres
Où l'ont abandonné leurs sales manigances,
De ces vils délateurs a démasqué l'outrance ;
Lui seul a démêlé la trame qu'ils ourdissent,
Les noirs complots vengeurs qui se font en coulisse,
Et l'immoralité qui s'applaudit soudain
D'avoir en quelques mois flétri ce paladin.
Ils ont même étendu la morgue et le dédain
A lui subtiliser tous ses pains aux raisins :
Le pauvre est affamé, il devient famélique
Bientôt on le verra plus maigre qu'un boudique …
Paprika, l'interrompant
Madame, il faut partir : j'entends des bruits dehors,
Une garde se forme et je vois le recors
Qui donne sa consigne à tous ses spadassins
De brûler au bûcher… quoi ? Ses pains au raisins !
Floréane
O ciel !
Paprika
Et ce n'est rien : ses muids d'Irouléguy
Sont percés et vidés, sacrifice inouï !
Fuyons, n'attendons pas : votre voiture est prête
J'ai pris mes précautions, enrobez votre tête
Dans cet opaque voile où jadis Mère Opale
Parvint à se soustraire au père Getampale,
Qui prétendait sa main et convoitait bien plus,
Pour réjouir, le fripon, son satané prépuce.
Floréane
Que d'abominations !
Paprika
Allons, passez devant,
Nous allons emprunter les couloirs attenants.
Ne faites aucun bruit, le cocher est instruit
Du trajet qu'il doit prendre : hâtons-nous, il fait nuit,
La pénombre est toujours un précieux auxiliaire
Des fugitifs ; nous voyagerons à couvert
Et quand l'aube poindra, nous serons déjà loin
Delà les Pyrénées, en pays souletin.
Nous nous arrêterons chez un de mes amis ;
Il se nomme Juju, c'est un pote à Pimbi ;
Sa gargote est souvent de pochetrons remplie
Qui viennent festoyer le soir après minuit.
C'est là que votre amant, délaissant le Palais
Se dérobe aux espions.
Scène 2 : Floréane – Paprika - Guardian
Guardian, surgissant à l'autre extrémité du corridor
Halte-là, s'il vous plaît !
A part soi.
Que font ces ombres-là tout au fond du couloir ?
Floréane
Nous sommes perdues !
Paprika
C'est Guardian, aucun espoir !
Guardian
Que faites-vous ici ? Qu'est-ce que ce complot ?
Où alliez-vous ainsi ?
Paprika
Nous fuyons…
Guardian, ricanant
C'est trop beau !…
Depuis des mois j'attends ce moment délectable
De prouver à Louis tout votre misérable,
Non, ce n'est pas d'hier que je vous soupçonnais
D'ourdir des trahisons, de tramer des forfaits,
D'attenter à un sceptre élu par le Divin
Pour y substituer le pouvoir d'un faquin !
Ah, je vous tiens, par tous les saint du paradis :
Je ne vous lâcherai qu'au pied du pilori
Où vous et votre amant serez fouettés tout nus,
Et puis décapités, et puis après pendus !
Paprika
Guardian ! Tu es vraiment le dernier des couillons !
Qu'as-tu dans ta caboche ? – ah, mon Dieu qu'il est con !
Tu veux nous pendre ? Eh, dis-moi, comment feras-tu
Après avoir coupé nos cous ? Hurluberlu
Aussi bête et buté que fourbe et malveillant,
Pendant qu'elle invective ainsi Guardian, elle sort un vaporisateur de sa manche
Qu'auras-tu à brancher , infaillible ignorant,
Sinon des corps sans chef ? Les accrocheras-tu
Par les bras, l'omoplate ou bien le tr** d* c**?
Guardian s'étant approché imprudemment, elle lui arrose le visage de son vaporisateur
Guardian
Argl !
Paprika
Prends ça, vieux grigou, et va au dispensaire
Pour soigner ton faciès d'infâme mercenaire !
C'est un liquide affreux, un corrosif acide
Pire qu'un vitriol, pire qu'un pesticide ;
Une boisson, pourtant, bue par tout un canton
Qui en est si friand qu'il lui fait des chansons.
Oncques ne vit jamais pinard plus exécrable :
Ses taches sur la peau y sont ineffaçables :
Ainsi que Gorbatchev, ainsi que Ribéry,:
Ta frimousse à cette encre est marquée pour la vie !
Guardian, désespéré
Comment appelle-t-on ce breuvage maudit ?
Paprika
Tu peux trembler, Guardian ! Son nom ? Irouléguy !
Guardian s'effondre, saisi d'horreur et pâmé d'effroi.
Echappons-nous, madame, avant que le Grumpy
Alerte le château de ses horribles cris.
Venez, votre carrosse est prêt : vite, montons,
Il est temps de quitter cette antre du démon.
Elles montent, le carrosse part au grand galop, tagalop tagalop !
Scène 3 : Grumpy – Guardian –Un petit frère
Changement de décor : la cellule de Grumpy ; celui-ci vient de s'éveiller et pâle, en robe de chambre, regarde à travers la croisée le jour blafard.
Grumpy
Encore un jour qui luit, un jour sinistre et beau ;
Un jour qui nous sera, pour nous les doux agneaux,
Comme une récompense à nos soins acharnés
De combattre le vice et de l'éliminer ;
De poursuivre l'athée, l'impie, le théocide,
De les enfermer tous dans des cachots humides
Où leur expiation sera un long tourment
De souffrances sans nom, de cruels châtiments.
Ah Dieu ! Tu m'as donné une âme impitoyable !
Je suis ton fer de lance et ton bras implacable !
Je suis celui qui tue, qui fait son sacerdoce
D'avoir pour l'incroyant une haine féroce.
Il s'assied dans un large fauteuil à dos surélevé et semble se plonger au cœur d'une profonde méditation
Depuis un si long temps … combien ? Quarante années !...
Mon saint zèle s'étend aux têtes couronnées ;
Je brandis la bannière de saint Dominique
Dans tout notre royaume, extirpant l'hérétique,
Faisant flamber ici et là d'ardents bûchers
Afin de délivrer les âmes emmanchées
A l'erreur, au mensonge et à tous les sophismes
Que le diable a hélas convaincues d'athéisme !
J'ai bâti des prisons avec pour rédempteur,
Une Bible, un rosaire, évangiles sauveurs,
J'ai traqué sans pitié l'ennemi de la foi,
Le relaps, le rebelle infracteur de la loi
Qui stipule que l'homme au pape rende hommage,
Qu'il doit courber l'échine et prouver sans ambages
Que son salut dépend du contenu notoire
D'une bulle ou d'un bref, ou bien d'un monitoire ;
Qu'il n'y a point pour lui de paradis possible
En dehors des chemins tracés par notre Bible,
Que d'ignorer Marie, saint Jean, saint Augustin,
Est un crime sans nom digne d'un assassin.
Mais l'Eglise a beau faire et nous, la prélature,
Offrir en holocauste aux saintes écritures
L'incroyant déterré du fond de sa campagne,
Frapper de notre épée jusque dans les montagnes
L'âpre récalcitrant à la bonne parole,
Rien n'y fait : et bientôt nous n'aurons plus d'idoles,
Nous errerons sans trêve aux confins des déserts
Nous serons des parias, nous qui étions des pères,
Et nul ne verra plus en nous que vieux débris,
Irascibles vieillards, rocantins décatis,
Et…
Guardian surgit, vacillant, le visage couvert de ses mains
Guardian, toi ici ? Que fais-tu ? Qu'y a-t-il ?
Pourquoi cacher ainsi ton visage sénile ?
Guardian
A moi, mon père, à moi ! Traîtresse Paprika…
Grumpy
Paprika ? Que dis-tu ?
Guardian
Un diable scélérat !
Grumpy
Explique-toi, veux-tu ?...
Guardian
Elle a fui…
Grumpy
Fui ? Pourquoi ?
Guardian
L'amante de Pimbi, Floréane ! Je crois
Qu'elles ont pris la route en carrosse ; grand dieu !
Faut-il souffrir ainsi un attentat odieux…
Grumpy
Quel attentat ? Raconte-moi toute l'histoire.
Guardian s'assied sur un banc, prostré, cachant toujours son visage.
Guardian
Elle avait dans sa manche, ô ciel, cruel déboire…
Une fiole, un flacon au sale contenu,
Une substance affreuse, un poison qu'on a vu
Changer en un instant Justin en un zombie…
Grumpy
Justin ?
Guardian
Justin Bieber : oui, Justin le Bambi.
Grumpy
Raconte-moi cela, j'ignore l'avatar…
Guardian
C'était tout au début de son succès de star :
Il était saoul, il avait gerbé sur la scène
Dans cet état piteux qui confine à l'obscène,
Mais DSK, qui avait viré sa cuti,
Le voulait pour giton : il l'attire, une nuit,
Dans un sordide hôtel de la banlieue paloise,
Et là le déshabille, et d'une main matoise
Le caresse et le palpe : en vain, car le Bieber
Cuvait ses excédents de jaja et de bière.
Mais soudain il avise une trogne lubrique
Qui lui dit : « beau Justin, il faut que je te nique ! »
– Ah non ! s’écrie Justin, jamais je ne jouerai
Ce rôle dévolu aux garçons damerets…
– Si tu n’es point docile, il faudra, répond l’autre,
Que je te défigure : ainsi soit tu te vautres
Dans l’effrayant péché qui coûta à Gomorrhe
Le céleste courroux qui y sema la mort,
Soit ton visage d’ange aura pour effigie,
Balafre indélébile, un bleu d’Irouléguy ».
D’abord, le beau Justin se rit de la menace,
Ne croyant pas qu’un vin pût lui bleuir la face ;
Il résiste aux assauts du gros sardanapale,
Le repousse dix fois, l’évite, le remballe ;
Toutefois l’estomac lui remonte : un hoquet,
Puis un autre, un troisième : et soudain un paquet
De vomi tout gluant gicle tout son rogomme
Sur l’antique patron dévaliseur des hommes.
Celui-ci, furibond, brandit un spray malsain,
En asperge Justin d’un liquide inhumain :
Le pauvre jouvenceau pousse un grand cri et tombe
Sur le lit, comme aux pieds du chasseur la palombe.
Depuis lors, sa tête entourée d’une capuche,
Lui qui de la planète était la coqueluche,
Il ne voit plus personne, et il ne chante plus.
C’est ainsi que Justin, pour n’avoir pas voulu
Assouvir les instincts d’un violeur infamant,
A dû, quelle misère ! enterrer son talent.
Grumpy
Que veux-tu dire ? Toi aussi…
Guardian
L’Irouléguy…
Guardian ôte ses mains de devant ses yeux.
Grumpy
Abominable sceau, empreinte indéfectible !
Celle qui t’a fait ça est une fille horrible.
Je n’aurai de repos que je ne l’aie liée
Au poteau de torture où sa faute expiée,
Elle rendra son âme à son suppôt d’enfer,
Satan ou Belzébuth, Léviathan, Lucifer !
Il examine le visage débiffé de Guardian
Te voilà bien marri…
Guardian
Sans doute…
Grumpy
Et ta laideur
N’en est que plus accrue : mon Dieu, que tu fais peur…
Guardian, à part soi
Montrerait-il enfin une âme charitable ?
Grumpy
Hier hideux, aujourd’hui tu es épouvantable…
Guardian, à part soi
Je me disais aussi…
Grumpy
Va, rejoins tes quartiers.
Guardian, à part soi
Son cœur est un scorpion qui marche à cloche-pied…
Guardian s’en va, Grumpy s’assied à un bureau, écrit quelque chose sur une feuille de papier, la plie et sonne d’une clochette.
Un petit frère
Vous m’avez demandé ?
Grumpy
Oui, porte cette lettre
Au Palais : tu sais à qui tu dois la remettre.
(à suivre...)
Drame en cinq actes d'un auteur anonyme qui fait bien de le rester.
Personnages
– Floréane, princesse du Palais, amante présomptive de Pimbi.
– Paprika, sa suivante.
– Médéa, épouse de Louis, roi du Palais.
– Louis, roi du Palais.
– Pimbi, chevalier amant putatif de Floréane.
– Jérôme, cousin et boy friend de Pimbi.
– Grumpy, dominicain inquisiteur pour la foi.
– Guardian, délateur, intrigant et éminence grise de Grumpy.
– Daniel, résident britannique d'Arrast-Larrebieu.
– Le père Vairpépair, confesseur du roi et de la reine, en réalité Guardian déguisé en théatin.
– Gilbo, maîtresse secrète de Guardian et médecin de la famille royale.
– Gingembre, duchesse souveraine de Normandie.
– Minerve, mère de Gingembre, directrice d'un journal local, le p'tit Normand futé.
– Tonax, avocat à la Cour.
– Le Président du tribunal.
– Un petit frère.
On a décidé de modifier la métrique de la désinence –tion qui ne comptera plus qu'une syllabe. En revanche, Louis est en deux, Lou-is. Pour expiation, c’est : expi-ation ; ép-ier en deux syllabes, sans la césure sur le "i". De même, les mots en –cieu(x) ne se décomposeront plus en deux syllabes mais compteront pour une seule (pré-cieux, ambi-tieux, glor-ieux, déli-cieux, etc.)
Acte I – La fuite
Scène 1 : Floréane – Paprika
Les appartements de dame Floréane, au Palais
Floréane
Ah, chère Paprika, tu me mets en émoi !
Est-ce vrai, ce qu'on dit ? Que Louis notre roi
A exilé Pimbi par-delà les frontières ?
Qu'il ne reviendra plus ? Qu'il est banni, qu'il erre
De contrée en contrée, traînant sur les chemins
Sa tristesse accablée et son pesant chagrin ?
Paprika
J'en ai la preuve, hélas ! Je le vis hier au soir
Seller son destrier, brisé de désespoir,
Et attachant ses yeux aux créneaux de la tour
Où il pensait vous voir, vous son unique amour…
Floréane
Ah, cesse, Paprika, je n'en puis plus, je meurs !
J'ai touché aujourd'hui le fond de mon malheur…
Mais pourquoi cet exil ? Qu'a-t-il fait ? Lui, coupable ?
D'aucun de ces forfaits je ne le crois capable,
Et notre roi s'égare à résigner sa foi
A tous ces mécréants qui le trompent ; je vois
Déjà dans l'ombre affreuse où ils terrent leurs vices
Le long cheminement des courtisans complices…
Ils trament contre nous de sinistres forfaits
Et répandent leur fiel jusque dans le Palais,
Jusqu'au trône sacré où leurs faces de cire
Insultent notre nom et fourvoient notre sire.
Que te dirai-je enfin ! Louis les avantage,
Il leur a octroyé à tous deux en partage
Des châteaux, des terrains, des chasses giboyeuses
Où le chevreuil pullule, où des forêts nombreuses
Font pleuvoir dans leur coffre un torrent de ducats.
Et voilà qu'à présent, revêtant l'apparat
De ces nouveaux seigneurs nés de titres ronflants,
Ils prennent le haut ton et s'en vont, importants,
Se tresser des lauriers pour mieux nous dénoncer
Selon leurs intérêts : ils n'en ont point assez
De traîner dans la boue ceux qui leur font de l'ombre,
Et Pimbi leur en fait : lui seul, dans les décombres
Où l'ont abandonné leurs sales manigances,
De ces vils délateurs a démasqué l'outrance ;
Lui seul a démêlé la trame qu'ils ourdissent,
Les noirs complots vengeurs qui se font en coulisse,
Et l'immoralité qui s'applaudit soudain
D'avoir en quelques mois flétri ce paladin.
Ils ont même étendu la morgue et le dédain
A lui subtiliser tous ses pains aux raisins :
Le pauvre est affamé, il devient famélique
Bientôt on le verra plus maigre qu'un boudique …
Paprika, l'interrompant
Madame, il faut partir : j'entends des bruits dehors,
Une garde se forme et je vois le recors
Qui donne sa consigne à tous ses spadassins
De brûler au bûcher… quoi ? Ses pains au raisins !
Floréane
O ciel !
Paprika
Et ce n'est rien : ses muids d'Irouléguy
Sont percés et vidés, sacrifice inouï !
Fuyons, n'attendons pas : votre voiture est prête
J'ai pris mes précautions, enrobez votre tête
Dans cet opaque voile où jadis Mère Opale
Parvint à se soustraire au père Getampale,
Qui prétendait sa main et convoitait bien plus,
Pour réjouir, le fripon, son satané prépuce.
Floréane
Que d'abominations !
Paprika
Allons, passez devant,
Nous allons emprunter les couloirs attenants.
Ne faites aucun bruit, le cocher est instruit
Du trajet qu'il doit prendre : hâtons-nous, il fait nuit,
La pénombre est toujours un précieux auxiliaire
Des fugitifs ; nous voyagerons à couvert
Et quand l'aube poindra, nous serons déjà loin
Delà les Pyrénées, en pays souletin.
Nous nous arrêterons chez un de mes amis ;
Il se nomme Juju, c'est un pote à Pimbi ;
Sa gargote est souvent de pochetrons remplie
Qui viennent festoyer le soir après minuit.
C'est là que votre amant, délaissant le Palais
Se dérobe aux espions.
Scène 2 : Floréane – Paprika - Guardian
Guardian, surgissant à l'autre extrémité du corridor
Halte-là, s'il vous plaît !
A part soi.
Que font ces ombres-là tout au fond du couloir ?
Floréane
Nous sommes perdues !
Paprika
C'est Guardian, aucun espoir !
Guardian
Que faites-vous ici ? Qu'est-ce que ce complot ?
Où alliez-vous ainsi ?
Paprika
Nous fuyons…
Guardian, ricanant
C'est trop beau !…
Depuis des mois j'attends ce moment délectable
De prouver à Louis tout votre misérable,
Non, ce n'est pas d'hier que je vous soupçonnais
D'ourdir des trahisons, de tramer des forfaits,
D'attenter à un sceptre élu par le Divin
Pour y substituer le pouvoir d'un faquin !
Ah, je vous tiens, par tous les saint du paradis :
Je ne vous lâcherai qu'au pied du pilori
Où vous et votre amant serez fouettés tout nus,
Et puis décapités, et puis après pendus !
Paprika
Guardian ! Tu es vraiment le dernier des couillons !
Qu'as-tu dans ta caboche ? – ah, mon Dieu qu'il est con !
Tu veux nous pendre ? Eh, dis-moi, comment feras-tu
Après avoir coupé nos cous ? Hurluberlu
Aussi bête et buté que fourbe et malveillant,
Pendant qu'elle invective ainsi Guardian, elle sort un vaporisateur de sa manche
Qu'auras-tu à brancher , infaillible ignorant,
Sinon des corps sans chef ? Les accrocheras-tu
Par les bras, l'omoplate ou bien le tr** d* c**?
Guardian s'étant approché imprudemment, elle lui arrose le visage de son vaporisateur
Guardian
Argl !
Paprika
Prends ça, vieux grigou, et va au dispensaire
Pour soigner ton faciès d'infâme mercenaire !
C'est un liquide affreux, un corrosif acide
Pire qu'un vitriol, pire qu'un pesticide ;
Une boisson, pourtant, bue par tout un canton
Qui en est si friand qu'il lui fait des chansons.
Oncques ne vit jamais pinard plus exécrable :
Ses taches sur la peau y sont ineffaçables :
Ainsi que Gorbatchev, ainsi que Ribéry,:
Ta frimousse à cette encre est marquée pour la vie !
Guardian, désespéré
Comment appelle-t-on ce breuvage maudit ?
Paprika
Tu peux trembler, Guardian ! Son nom ? Irouléguy !
Guardian s'effondre, saisi d'horreur et pâmé d'effroi.
Echappons-nous, madame, avant que le Grumpy
Alerte le château de ses horribles cris.
Venez, votre carrosse est prêt : vite, montons,
Il est temps de quitter cette antre du démon.
Elles montent, le carrosse part au grand galop, tagalop tagalop !
Scène 3 : Grumpy – Guardian –Un petit frère
Changement de décor : la cellule de Grumpy ; celui-ci vient de s'éveiller et pâle, en robe de chambre, regarde à travers la croisée le jour blafard.
Grumpy
Encore un jour qui luit, un jour sinistre et beau ;
Un jour qui nous sera, pour nous les doux agneaux,
Comme une récompense à nos soins acharnés
De combattre le vice et de l'éliminer ;
De poursuivre l'athée, l'impie, le théocide,
De les enfermer tous dans des cachots humides
Où leur expiation sera un long tourment
De souffrances sans nom, de cruels châtiments.
Ah Dieu ! Tu m'as donné une âme impitoyable !
Je suis ton fer de lance et ton bras implacable !
Je suis celui qui tue, qui fait son sacerdoce
D'avoir pour l'incroyant une haine féroce.
Il s'assied dans un large fauteuil à dos surélevé et semble se plonger au cœur d'une profonde méditation
Depuis un si long temps … combien ? Quarante années !...
Mon saint zèle s'étend aux têtes couronnées ;
Je brandis la bannière de saint Dominique
Dans tout notre royaume, extirpant l'hérétique,
Faisant flamber ici et là d'ardents bûchers
Afin de délivrer les âmes emmanchées
A l'erreur, au mensonge et à tous les sophismes
Que le diable a hélas convaincues d'athéisme !
J'ai bâti des prisons avec pour rédempteur,
Une Bible, un rosaire, évangiles sauveurs,
J'ai traqué sans pitié l'ennemi de la foi,
Le relaps, le rebelle infracteur de la loi
Qui stipule que l'homme au pape rende hommage,
Qu'il doit courber l'échine et prouver sans ambages
Que son salut dépend du contenu notoire
D'une bulle ou d'un bref, ou bien d'un monitoire ;
Qu'il n'y a point pour lui de paradis possible
En dehors des chemins tracés par notre Bible,
Que d'ignorer Marie, saint Jean, saint Augustin,
Est un crime sans nom digne d'un assassin.
Mais l'Eglise a beau faire et nous, la prélature,
Offrir en holocauste aux saintes écritures
L'incroyant déterré du fond de sa campagne,
Frapper de notre épée jusque dans les montagnes
L'âpre récalcitrant à la bonne parole,
Rien n'y fait : et bientôt nous n'aurons plus d'idoles,
Nous errerons sans trêve aux confins des déserts
Nous serons des parias, nous qui étions des pères,
Et nul ne verra plus en nous que vieux débris,
Irascibles vieillards, rocantins décatis,
Et…
Guardian surgit, vacillant, le visage couvert de ses mains
Guardian, toi ici ? Que fais-tu ? Qu'y a-t-il ?
Pourquoi cacher ainsi ton visage sénile ?
Guardian
A moi, mon père, à moi ! Traîtresse Paprika…
Grumpy
Paprika ? Que dis-tu ?
Guardian
Un diable scélérat !
Grumpy
Explique-toi, veux-tu ?...
Guardian
Elle a fui…
Grumpy
Fui ? Pourquoi ?
Guardian
L'amante de Pimbi, Floréane ! Je crois
Qu'elles ont pris la route en carrosse ; grand dieu !
Faut-il souffrir ainsi un attentat odieux…
Grumpy
Quel attentat ? Raconte-moi toute l'histoire.
Guardian s'assied sur un banc, prostré, cachant toujours son visage.
Guardian
Elle avait dans sa manche, ô ciel, cruel déboire…
Une fiole, un flacon au sale contenu,
Une substance affreuse, un poison qu'on a vu
Changer en un instant Justin en un zombie…
Grumpy
Justin ?
Guardian
Justin Bieber : oui, Justin le Bambi.
Grumpy
Raconte-moi cela, j'ignore l'avatar…
Guardian
C'était tout au début de son succès de star :
Il était saoul, il avait gerbé sur la scène
Dans cet état piteux qui confine à l'obscène,
Mais DSK, qui avait viré sa cuti,
Le voulait pour giton : il l'attire, une nuit,
Dans un sordide hôtel de la banlieue paloise,
Et là le déshabille, et d'une main matoise
Le caresse et le palpe : en vain, car le Bieber
Cuvait ses excédents de jaja et de bière.
Mais soudain il avise une trogne lubrique
Qui lui dit : « beau Justin, il faut que je te nique ! »
– Ah non ! s’écrie Justin, jamais je ne jouerai
Ce rôle dévolu aux garçons damerets…
– Si tu n’es point docile, il faudra, répond l’autre,
Que je te défigure : ainsi soit tu te vautres
Dans l’effrayant péché qui coûta à Gomorrhe
Le céleste courroux qui y sema la mort,
Soit ton visage d’ange aura pour effigie,
Balafre indélébile, un bleu d’Irouléguy ».
D’abord, le beau Justin se rit de la menace,
Ne croyant pas qu’un vin pût lui bleuir la face ;
Il résiste aux assauts du gros sardanapale,
Le repousse dix fois, l’évite, le remballe ;
Toutefois l’estomac lui remonte : un hoquet,
Puis un autre, un troisième : et soudain un paquet
De vomi tout gluant gicle tout son rogomme
Sur l’antique patron dévaliseur des hommes.
Celui-ci, furibond, brandit un spray malsain,
En asperge Justin d’un liquide inhumain :
Le pauvre jouvenceau pousse un grand cri et tombe
Sur le lit, comme aux pieds du chasseur la palombe.
Depuis lors, sa tête entourée d’une capuche,
Lui qui de la planète était la coqueluche,
Il ne voit plus personne, et il ne chante plus.
C’est ainsi que Justin, pour n’avoir pas voulu
Assouvir les instincts d’un violeur infamant,
A dû, quelle misère ! enterrer son talent.
Grumpy
Que veux-tu dire ? Toi aussi…
Guardian
L’Irouléguy…
Guardian ôte ses mains de devant ses yeux.
Grumpy
Abominable sceau, empreinte indéfectible !
Celle qui t’a fait ça est une fille horrible.
Je n’aurai de repos que je ne l’aie liée
Au poteau de torture où sa faute expiée,
Elle rendra son âme à son suppôt d’enfer,
Satan ou Belzébuth, Léviathan, Lucifer !
Il examine le visage débiffé de Guardian
Te voilà bien marri…
Guardian
Sans doute…
Grumpy
Et ta laideur
N’en est que plus accrue : mon Dieu, que tu fais peur…
Guardian, à part soi
Montrerait-il enfin une âme charitable ?
Grumpy
Hier hideux, aujourd’hui tu es épouvantable…
Guardian, à part soi
Je me disais aussi…
Grumpy
Va, rejoins tes quartiers.
Guardian, à part soi
Son cœur est un scorpion qui marche à cloche-pied…
Guardian s’en va, Grumpy s’assied à un bureau, écrit quelque chose sur une feuille de papier, la plie et sonne d’une clochette.
Un petit frère
Vous m’avez demandé ?
Grumpy
Oui, porte cette lettre
Au Palais : tu sais à qui tu dois la remettre.
(à suivre...)
gingembre- Habitué du forum ++
- Messages : 23109
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
C'est tout de même fort bien troussé
Floréane- Habitué du forum ++
- Messages : 51504
Date d'inscription : 27/11/2012
Localisation : plein sud
Re: Drame au Palais
C'est excellent !
alain- Habitué du forum +
- Messages : 3394
Date d'inscription : 13/10/2014
Re: Drame au Palais
Scène 4 : Grumpy –Louis –Médéa
La salle du trône : Louis est assis, revêtu des attributs de sa dignité, sceptre dans la main droite, et coiffé de la couronne royale. A ses côtés, la Reine, assise elle aussi, sur une chaise à haut dossier et lit.
Médéa, interrompant sa lecture
Sire, mon époux ?
Louis
Ma mie ?
Médéa
Quand viendra-t-il donc ?
Louis
Le temps qu’il faut pour achever ses oraisons.
Médéa
Et vous avez voulu que je fusse céans
Pour… témoigner ? Est-ce que c’est si important ?
Louis
Il en va de l’honneur d’un homme inexorable
Qui combat le péché d’une poigne intraitable.
Médéa
De cet homme, doux sire, en qui votre confiance
Se jette imprudemment sans la moindre prudence.
Louis
Cet homme est un dévot, il subjugue les âmes.
Médéa
La dévotion étroite échappe-t-elle au blâme ?
Louis
Chez un si grand ministre, elle est une vertu.
Médéa
Une vertu féroce est toujours superflue !
Louis
Voudriez-vous, ma Reine, nous faire le procès
D’un prélat qui partout inspire le respect ?
Médéa
Non point, mon bien-aimé, mais il me prend parfois
Des humeurs de remettre en cause cette foi
Qui ne sait que sévir et froncer les sourcils
A tous les agrément qui font aimer la vie.
Louis
Qu’est-ce à dire ?
Médéa
Que votre Grumpy est bien prompt
A juger nos plaisirs, comme un suprême affront
A son dieu de vengeance et de mort qui s’aigrit
Quand on prend du bon temps et qu'on chante et qu'on rit.
Il ne fait pas bien bon, et pour beaucoup de causes,
De souffrir qu’un surplis, au nom d’un dieu morose,
Voue à tous les enfers ceux qui, à son rebours,
Sont d’avis qu’un vrai dieu doit être un dieu d’amour
Et non un fou furieux tout altéré de haine
Qui insulte sans cesse à nos calembredaines !
C’est pourquoi, mon doux sire…
Louis
On vient, je crois, c’est lui.
Domptez votre courroux, soyez-moi un appui.
A Grumpy
Mon père, une visite aussi matutinale
N’est certes pas fortuite, encore moins banale :
Quel en est la raison ?
Grumpy
Je suis au désespoir
De m’acquitter ici d’un bien triste devoir :
Princesse Floréane est partie cette nuit.
Louis, surpris
Partie ? Grand Dieu, comment, qu’est-ce à dire ?
Grumpy
Elle a fui.
Son carrosse était prêt : l’ignoble Paprika
Lui a servi de guide en dirigeant ses pas.
Elles s’en sont allées, nous ne savons pas où…
Mais nous savons dès lors qu’on ourdit contre vous
De noirs desseins visant à lézarder le trône,
Et que l’instigateur est ce maudit béjaune,
Ce Pimbi qui d’un tour de malice inouï
Subjugua Floréane au cœur de son déduit
Pour l’arracher des mains de son auguste père
Qui la pleure aujourd’hui, ô larmes de misère !
- Là j’eusse été heureux de faire rimer « père »
Avec un mot sonnant, comme coléoptère,
Mais j’y ai renoncé, instruit par nos savants
Que scarabée, clairon, coccinelle ou crocran,
Ne se montre au grand jour que vers le mois d’avril,
Quand la fauvette chante et que l’araignée file –
Médéa
Qu’est-ce que ce… crocran ? Quel insecte est-ce là ?
Grumpy
Ce n’est pas un insecte, et il n’existe pas :
C’est un terme inventé pour assortir la rime,
Faire du remplissage, une bourre sublime
Qui masque tout le sec de mon galimatias
Et lui substituant des mots de ratafia.
Médéa
De ratafia ! Çà non plus ne signifie rien.
Grumpy
Je confesse en effet que ratafia est bien
Une cheville, un à peu près de rimailleur.
Louis
Il suffit, taisez-vous ! Allez rimer ailleurs !
Quoi ! Tandis qu’un royaume est outré de périls,
Que des malavisés aiguisent leurs profils,
Vous nous assassinez de vos vers insipides
Vous faites l’arlequin en dégoisant à vide !
Jamais je n’aurais cru, si on ne l’avait dit,
Qu’un prêtre inquisiteur fourrât un bel-esprit.
On est fort étonné de ces métamorphoses,
On se demande où niche une telle psychose :
Répondez, je vous prie !
Grumpy
C’est que, sire, il m’a prit
De mêler au pasteur l’agrément d’un dandy :
Dedans le corridor où mes lourdes sandales
Glissaient si pesamment sur les humides dalles,
J’entendis tout à coup une voix mélodieuse
Qui déclamait des vers d’une façon pompeuse,
Et ces vers étaient miens : avant d’être prélat,
Je me suis barbouillé de tant de charabia
Que le fier sentiment d’être un jour un poète
L’a d’abord emporté, par un engouement bête,
Sur le grave devoir de redresser les âmes,
De brûler l’hérésie sur des bûchers en flammes.
J’ai cru de bonne foi accéder au Parnasse
Où tant de grands talents s’étaient fait une place
Et brillaient au zénith d’un fabuleux génie.
Je crus les égaler, ô coupable ineptie !
Je me suis assagi, depuis, mais il me gratte
D’avoir encor parfois des bouffées qui m’épatent :
Aussi bien le discours que je vous ai tenu
N’est-il qu’un réchauffé d’une ère révolue.
Louis
Alors, refroidis-le, ton réchauffé, Grumpy :
Nous avons à traiter un cas de vilénie,
Non à nous extasier sur le trip de ta muse.
Ces fariboles-là un instant nous amusent,
Mais l’excès, je l’affirme, est un vilain défaut.
Grumpy
Je me le tiendrai pour dit, sire, mot à mot.
Louis
Or, reprenons le cours de nos états des lieux :
Flo est partie ? Très bien. Avec Pimbi, ce gueux,
Cet écrivain de paille, obscur fesse-cahier
Qui n’est pas même un scribe, à peine un écolier !
Nous sommes affligés, cette fuite nous fâche ;
Il n’est rien de plus laid, il n’est rien de plus lâche
Que d’enlever ainsi une noble princesse !
Et surtout celle-là, dont les splendides fesses
D’amants sans nombre ont aiguisé l’ardente flamme !
Pimbi est bien baroque à croire que sa dame
Sera pour lui un gage de fidélité.
Tant de galants d’un soir qu’à l’aube elle a plantés…
Sa jeunesse l’aveugle, il vit sur un nuage,
Il ne voit que l’azur, sans prévenir l’orage
Qui point obscurément à l’horizon ; et si…
Médéa
Sire, votre verdict !
Louis
Je décide ceci :
Que cinquante soldats, groupés en bataillon,
Parcourent le royaume et en large et en long ;
Du bourg le plus peuplé au plus petit village,
Que l’on fouille partout, jusqu’aux moindres parages :
Maisons, châteaux, moulins, mais aussi les forêts,
Les plaines et les champs, tous les recoins secrets
Qui peuvent abriter ce couple condamnable,
Ce couple que dès lors je voue à tous les diables !
Pour ne rien négliger, à Guardian je confie
De me transmettre à moi, par le biais de Grumpy,
Des rapport réguliers. Greffier, notez la date
De ce jour : le royaume est en… Vigipirate.
Les autres, en chœur
Horreur, malheur !
Louis, se levant et brandissant solennellement son sceptre
Il faudra bien que mon courroux
Fasse ces deux sujets tomber à mes genoux
Et venir, repentants et contrits, à mes pieds
Ma grâce et mon pardon humblement supplier.
Alors, peut-être enfin, dans ma mansuétude,
Une retraite austère assortie d’une étude
Des saintes et des saints, des épîtres de Paul,
Soustraira pour jamais dame Flo au guignol
Qui se piqua un jour de réclamer sa main
Et pour venir à bout de ses tristes desseins,
L’enleva, fraiche et pure, au milieu du Palais
Pour aller bambocher en pays béarnais.
FIN DU PREMIER ACTE
La salle du trône : Louis est assis, revêtu des attributs de sa dignité, sceptre dans la main droite, et coiffé de la couronne royale. A ses côtés, la Reine, assise elle aussi, sur une chaise à haut dossier et lit.
Médéa, interrompant sa lecture
Sire, mon époux ?
Louis
Ma mie ?
Médéa
Quand viendra-t-il donc ?
Louis
Le temps qu’il faut pour achever ses oraisons.
Médéa
Et vous avez voulu que je fusse céans
Pour… témoigner ? Est-ce que c’est si important ?
Louis
Il en va de l’honneur d’un homme inexorable
Qui combat le péché d’une poigne intraitable.
Médéa
De cet homme, doux sire, en qui votre confiance
Se jette imprudemment sans la moindre prudence.
Louis
Cet homme est un dévot, il subjugue les âmes.
Médéa
La dévotion étroite échappe-t-elle au blâme ?
Louis
Chez un si grand ministre, elle est une vertu.
Médéa
Une vertu féroce est toujours superflue !
Louis
Voudriez-vous, ma Reine, nous faire le procès
D’un prélat qui partout inspire le respect ?
Médéa
Non point, mon bien-aimé, mais il me prend parfois
Des humeurs de remettre en cause cette foi
Qui ne sait que sévir et froncer les sourcils
A tous les agrément qui font aimer la vie.
Louis
Qu’est-ce à dire ?
Médéa
Que votre Grumpy est bien prompt
A juger nos plaisirs, comme un suprême affront
A son dieu de vengeance et de mort qui s’aigrit
Quand on prend du bon temps et qu'on chante et qu'on rit.
Il ne fait pas bien bon, et pour beaucoup de causes,
De souffrir qu’un surplis, au nom d’un dieu morose,
Voue à tous les enfers ceux qui, à son rebours,
Sont d’avis qu’un vrai dieu doit être un dieu d’amour
Et non un fou furieux tout altéré de haine
Qui insulte sans cesse à nos calembredaines !
C’est pourquoi, mon doux sire…
Louis
On vient, je crois, c’est lui.
Domptez votre courroux, soyez-moi un appui.
A Grumpy
Mon père, une visite aussi matutinale
N’est certes pas fortuite, encore moins banale :
Quel en est la raison ?
Grumpy
Je suis au désespoir
De m’acquitter ici d’un bien triste devoir :
Princesse Floréane est partie cette nuit.
Louis, surpris
Partie ? Grand Dieu, comment, qu’est-ce à dire ?
Grumpy
Elle a fui.
Son carrosse était prêt : l’ignoble Paprika
Lui a servi de guide en dirigeant ses pas.
Elles s’en sont allées, nous ne savons pas où…
Mais nous savons dès lors qu’on ourdit contre vous
De noirs desseins visant à lézarder le trône,
Et que l’instigateur est ce maudit béjaune,
Ce Pimbi qui d’un tour de malice inouï
Subjugua Floréane au cœur de son déduit
Pour l’arracher des mains de son auguste père
Qui la pleure aujourd’hui, ô larmes de misère !
- Là j’eusse été heureux de faire rimer « père »
Avec un mot sonnant, comme coléoptère,
Mais j’y ai renoncé, instruit par nos savants
Que scarabée, clairon, coccinelle ou crocran,
Ne se montre au grand jour que vers le mois d’avril,
Quand la fauvette chante et que l’araignée file –
Médéa
Qu’est-ce que ce… crocran ? Quel insecte est-ce là ?
Grumpy
Ce n’est pas un insecte, et il n’existe pas :
C’est un terme inventé pour assortir la rime,
Faire du remplissage, une bourre sublime
Qui masque tout le sec de mon galimatias
Et lui substituant des mots de ratafia.
Médéa
De ratafia ! Çà non plus ne signifie rien.
Grumpy
Je confesse en effet que ratafia est bien
Une cheville, un à peu près de rimailleur.
Louis
Il suffit, taisez-vous ! Allez rimer ailleurs !
Quoi ! Tandis qu’un royaume est outré de périls,
Que des malavisés aiguisent leurs profils,
Vous nous assassinez de vos vers insipides
Vous faites l’arlequin en dégoisant à vide !
Jamais je n’aurais cru, si on ne l’avait dit,
Qu’un prêtre inquisiteur fourrât un bel-esprit.
On est fort étonné de ces métamorphoses,
On se demande où niche une telle psychose :
Répondez, je vous prie !
Grumpy
C’est que, sire, il m’a prit
De mêler au pasteur l’agrément d’un dandy :
Dedans le corridor où mes lourdes sandales
Glissaient si pesamment sur les humides dalles,
J’entendis tout à coup une voix mélodieuse
Qui déclamait des vers d’une façon pompeuse,
Et ces vers étaient miens : avant d’être prélat,
Je me suis barbouillé de tant de charabia
Que le fier sentiment d’être un jour un poète
L’a d’abord emporté, par un engouement bête,
Sur le grave devoir de redresser les âmes,
De brûler l’hérésie sur des bûchers en flammes.
J’ai cru de bonne foi accéder au Parnasse
Où tant de grands talents s’étaient fait une place
Et brillaient au zénith d’un fabuleux génie.
Je crus les égaler, ô coupable ineptie !
Je me suis assagi, depuis, mais il me gratte
D’avoir encor parfois des bouffées qui m’épatent :
Aussi bien le discours que je vous ai tenu
N’est-il qu’un réchauffé d’une ère révolue.
Louis
Alors, refroidis-le, ton réchauffé, Grumpy :
Nous avons à traiter un cas de vilénie,
Non à nous extasier sur le trip de ta muse.
Ces fariboles-là un instant nous amusent,
Mais l’excès, je l’affirme, est un vilain défaut.
Grumpy
Je me le tiendrai pour dit, sire, mot à mot.
Louis
Or, reprenons le cours de nos états des lieux :
Flo est partie ? Très bien. Avec Pimbi, ce gueux,
Cet écrivain de paille, obscur fesse-cahier
Qui n’est pas même un scribe, à peine un écolier !
Nous sommes affligés, cette fuite nous fâche ;
Il n’est rien de plus laid, il n’est rien de plus lâche
Que d’enlever ainsi une noble princesse !
Et surtout celle-là, dont les splendides fesses
D’amants sans nombre ont aiguisé l’ardente flamme !
Pimbi est bien baroque à croire que sa dame
Sera pour lui un gage de fidélité.
Tant de galants d’un soir qu’à l’aube elle a plantés…
Sa jeunesse l’aveugle, il vit sur un nuage,
Il ne voit que l’azur, sans prévenir l’orage
Qui point obscurément à l’horizon ; et si…
Médéa
Sire, votre verdict !
Louis
Je décide ceci :
Que cinquante soldats, groupés en bataillon,
Parcourent le royaume et en large et en long ;
Du bourg le plus peuplé au plus petit village,
Que l’on fouille partout, jusqu’aux moindres parages :
Maisons, châteaux, moulins, mais aussi les forêts,
Les plaines et les champs, tous les recoins secrets
Qui peuvent abriter ce couple condamnable,
Ce couple que dès lors je voue à tous les diables !
Pour ne rien négliger, à Guardian je confie
De me transmettre à moi, par le biais de Grumpy,
Des rapport réguliers. Greffier, notez la date
De ce jour : le royaume est en… Vigipirate.
Les autres, en chœur
Horreur, malheur !
Louis, se levant et brandissant solennellement son sceptre
Il faudra bien que mon courroux
Fasse ces deux sujets tomber à mes genoux
Et venir, repentants et contrits, à mes pieds
Ma grâce et mon pardon humblement supplier.
Alors, peut-être enfin, dans ma mansuétude,
Une retraite austère assortie d’une étude
Des saintes et des saints, des épîtres de Paul,
Soustraira pour jamais dame Flo au guignol
Qui se piqua un jour de réclamer sa main
Et pour venir à bout de ses tristes desseins,
L’enleva, fraiche et pure, au milieu du Palais
Pour aller bambocher en pays béarnais.
FIN DU PREMIER ACTE
Medea- Habitué du forum +
- Messages : 17634
Date d'inscription : 01/10/2012
Localisation : Koutaïs
Re: Drame au Palais
Si quelqu'un veut l'acte deux, je l'avais enregistré mais il est incopiercollable (pdf) donc je peux l'envoyer en pièce jointe à une adrese mail
Medea- Habitué du forum +
- Messages : 17634
Date d'inscription : 01/10/2012
Localisation : Koutaïs
Re: Drame au Palais
Medea a écrit:Scène 4 : Grumpy –Louis –Médéa
La salle du trône : Louis est assis, revêtu des attributs de sa dignité, sceptre dans la main droite, et coiffé de la couronne royale. A ses côtés, la Reine, assise elle aussi, sur une chaise à haut dossier et lit.
Médéa, interrompant sa lecture
Sire, mon époux ?
Louis
Ma mie ?
Médéa
Quand viendra-t-il donc ?
Louis
Le temps qu’il faut pour achever ses oraisons.
Médéa
Et vous avez voulu que je fusse céans
Pour… témoigner ? Est-ce que c’est si important ?
Louis
Il en va de l’honneur d’un homme inexorable
Qui combat le péché d’une poigne intraitable.
Médéa
De cet homme, doux sire, en qui votre confiance
Se jette imprudemment sans la moindre prudence.
Louis
Cet homme est un dévot, il subjugue les âmes.
Médéa
La dévotion étroite échappe-t-elle au blâme ?
Louis
Chez un si grand ministre, elle est une vertu.
Médéa
Une vertu féroce est toujours superflue !
Louis
Voudriez-vous, ma Reine, nous faire le procès
D’un prélat qui partout inspire le respect ?
Médéa
Non point, mon bien-aimé, mais il me prend parfois
Des humeurs de remettre en cause cette foi
Qui ne sait que sévir et froncer les sourcils
A tous les agrément qui font aimer la vie.
Louis
Qu’est-ce à dire ?
Médéa
Que votre Grumpy est bien prompt
A juger nos plaisirs, comme un suprême affront
A son dieu de vengeance et de mort qui s’aigrit
Quand on prend du bon temps et qu'on chante et qu'on rit.
Il ne fait pas bien bon, et pour beaucoup de causes,
De souffrir qu’un surplis, au nom d’un dieu morose,
Voue à tous les enfers ceux qui, à son rebours,
Sont d’avis qu’un vrai dieu doit être un dieu d’amour
Et non un fou furieux tout altéré de haine
Qui insulte sans cesse à nos calembredaines !
C’est pourquoi, mon doux sire…
Louis
On vient, je crois, c’est lui.
Domptez votre courroux, soyez-moi un appui.
A Grumpy
Mon père, une visite aussi matutinale
N’est certes pas fortuite, encore moins banale :
Quel en est la raison ?
Grumpy
Je suis au désespoir
De m’acquitter ici d’un bien triste devoir :
Princesse Floréane est partie cette nuit.
Louis, surpris
Partie ? Grand Dieu, comment, qu’est-ce à dire ?
Grumpy
Elle a fui.
Son carrosse était prêt : l’ignoble Paprika
Lui a servi de guide en dirigeant ses pas.
Elles s’en sont allées, nous ne savons pas où…
Mais nous savons dès lors qu’on ourdit contre vous
De noirs desseins visant à lézarder le trône,
Et que l’instigateur est ce maudit béjaune,
Ce Pimbi qui d’un tour de malice inouï
Subjugua Floréane au cœur de son déduit
Pour l’arracher des mains de son auguste père
Qui la pleure aujourd’hui, ô larmes de misère !
- Là j’eusse été heureux de faire rimer « père »
Avec un mot sonnant, comme coléoptère,
Mais j’y ai renoncé, instruit par nos savants
Que scarabée, clairon, coccinelle ou crocran,
Ne se montre au grand jour que vers le mois d’avril,
Quand la fauvette chante et que l’araignée file –
Médéa
Qu’est-ce que ce… crocran ? Quel insecte est-ce là ?
Grumpy
Ce n’est pas un insecte, et il n’existe pas :
C’est un terme inventé pour assortir la rime,
Faire du remplissage, une bourre sublime
Qui masque tout le sec de mon galimatias
Et lui substituant des mots de ratafia.
Médéa
De ratafia ! Çà non plus ne signifie rien.
Grumpy
Je confesse en effet que ratafia est bien
Une cheville, un à peu près de rimailleur.
Louis
Il suffit, taisez-vous ! Allez rimer ailleurs !
Quoi ! Tandis qu’un royaume est outré de périls,
Que des malavisés aiguisent leurs profils,
Vous nous assassinez de vos vers insipides
Vous faites l’arlequin en dégoisant à vide !
Jamais je n’aurais cru, si on ne l’avait dit,
Qu’un prêtre inquisiteur fourrât un bel-esprit.
On est fort étonné de ces métamorphoses,
On se demande où niche une telle psychose :
Répondez, je vous prie !
Grumpy
C’est que, sire, il m’a prit
De mêler au pasteur l’agrément d’un dandy :
Dedans le corridor où mes lourdes sandales
Glissaient si pesamment sur les humides dalles,
J’entendis tout à coup une voix mélodieuse
Qui déclamait des vers d’une façon pompeuse,
Et ces vers étaient miens : avant d’être prélat,
Je me suis barbouillé de tant de charabia
Que le fier sentiment d’être un jour un poète
L’a d’abord emporté, par un engouement bête,
Sur le grave devoir de redresser les âmes,
De brûler l’hérésie sur des bûchers en flammes.
J’ai cru de bonne foi accéder au Parnasse
Où tant de grands talents s’étaient fait une place
Et brillaient au zénith d’un fabuleux génie.
Je crus les égaler, ô coupable ineptie !
Je me suis assagi, depuis, mais il me gratte
D’avoir encor parfois des bouffées qui m’épatent :
Aussi bien le discours que je vous ai tenu
N’est-il qu’un réchauffé d’une ère révolue.
Louis
Alors, refroidis-le, ton réchauffé, Grumpy :
Nous avons à traiter un cas de vilénie,
Non à nous extasier sur le trip de ta muse.
Ces fariboles-là un instant nous amusent,
Mais l’excès, je l’affirme, est un vilain défaut.
Grumpy
Je me le tiendrai pour dit, sire, mot à mot.
Louis
Or, reprenons le cours de nos états des lieux :
Flo est partie ? Très bien. Avec Pimbi, ce gueux,
Cet écrivain de paille, obscur fesse-cahier
Qui n’est pas même un scribe, à peine un écolier !
Nous sommes affligés, cette fuite nous fâche ;
Il n’est rien de plus laid, il n’est rien de plus lâche
Que d’enlever ainsi une noble princesse !
Et surtout celle-là, dont les splendides fesses
D’amants sans nombre ont aiguisé l’ardente flamme !
Pimbi est bien baroque à croire que sa dame
Sera pour lui un gage de fidélité.
Tant de galants d’un soir qu’à l’aube elle a plantés…
Sa jeunesse l’aveugle, il vit sur un nuage,
Il ne voit que l’azur, sans prévenir l’orage
Qui point obscurément à l’horizon ; et si…
Médéa
Sire, votre verdict !
Louis
Je décide ceci :
Que cinquante soldats, groupés en bataillon,
Parcourent le royaume et en large et en long ;
Du bourg le plus peuplé au plus petit village,
Que l’on fouille partout, jusqu’aux moindres parages :
Maisons, châteaux, moulins, mais aussi les forêts,
Les plaines et les champs, tous les recoins secrets
Qui peuvent abriter ce couple condamnable,
Ce couple que dès lors je voue à tous les diables !
Pour ne rien négliger, à Guardian je confie
De me transmettre à moi, par le biais de Grumpy,
Des rapport réguliers. Greffier, notez la date
De ce jour : le royaume est en… Vigipirate.
Les autres, en chœur
Horreur, malheur !
Louis, se levant et brandissant solennellement son sceptre
Il faudra bien que mon courroux
Fasse ces deux sujets tomber à mes genoux
Et venir, repentants et contrits, à mes pieds
Ma grâce et mon pardon humblement supplier.
Alors, peut-être enfin, dans ma mansuétude,
Une retraite austère assortie d’une étude
Des saintes et des saints, des épîtres de Paul,
Soustraira pour jamais dame Flo au guignol
Qui se piqua un jour de réclamer sa main
Et pour venir à bout de ses tristes desseins,
L’enleva, fraiche et pure, au milieu du Palais
Pour aller bambocher en pays béarnais.
FIN DU PREMIER ACTE
clap ! Clap ! Clap! Clap ! Clap ! Clapl ! ( applaudissements tonitruants )
alain- Habitué du forum +
- Messages : 3394
Date d'inscription : 13/10/2014
Re: Drame au Palais
Je me demande si notre Pimbi l'a jamais terminé, ce Drame
Mais je répète pour ceux qui auraient zappé que j'ai l'acte 2 et que je peux l'envoyer à qui veut, hein
Mais je répète pour ceux qui auraient zappé que j'ai l'acte 2 et que je peux l'envoyer à qui veut, hein
Medea- Habitué du forum +
- Messages : 17634
Date d'inscription : 01/10/2012
Localisation : Koutaïs
Re: Drame au Palais
Non merci; je le lis ailleurs, puisqu'il est parti.
grumpythedwarf- Habitué du forum ++
- Messages : 34157
Date d'inscription : 03/10/2012
Localisation : Au diable Vauvert
Re: Drame au Palais
Medea a écrit:Je me demande si notre Pimbi l'a jamais terminé, ce Drame
Mais je répète pour ceux qui auraient zappé que j'ai l'acte 2 et que je peux l'envoyer à qui veut, hein
Les 5 actes sont finis et ils paraissent un par un sur St Pah. Fée Bee, l'admin me les envoie avant de les poster sur son forum, ainsi je peux les copier ici. C'est donc ce que je fais.
gingembre- Habitué du forum ++
- Messages : 23109
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
Cool ! merci
Medea- Habitué du forum +
- Messages : 17634
Date d'inscription : 01/10/2012
Localisation : Koutaïs
Re: Drame au Palais
Voici la suite (Acte 2)
Acte II – Le combat de dupes
Scène 1 : Floréane –Pimbi –Juju –Jérôme
Le bar de Juju, tard dans la nuit ; des bouteilles vides sur les tables, des jambons et des saucisses. Les convives ont l'œil vif et allumé, il règne une ambiance de rébellion avinée.
Pimbi
Non, ils ne viendront pas : ils sont trop désunis,
La guerre, ce n'est pas la chasse à la perdrix…
Il faut être solide, et ferme, et consistant,
Mener la troupe en règle, armer les combattants,
Peaufiner la tactique et confier aux stratèges
Les divers mouvements de ce vaste manège
Où se joue la bataille : prévoir une intendance
Pour nourrir le soldat, lui verser une avance
Sur ses émoluments auxquels il a bien droit,
L'enhardir au pillage, au viol, sans foi ni loi…
Mais quand la division désagrège une armée,
Prétendre à la victoire est un four consommé !
Ne croyez pas pourtant que je les dévalue :
Je ne fais pas ma proie de ces idées reçues
Qui pérorent partout qu'un trop lâche ennemi
Est un tigre en papier que l'on bat à l'envi.
Il faut être prudent et ne pas mépriser
Le nombre et la valeur ; soyons mieux avisés :
Prêtons-leur des talents que peut-être ils n'ont pas,
Etudions leurs desseins : combien sont-ils ?
Jérôme
Sais pas…
Floréane
J'ai entendu Grumpy parler de trois cent mille…
Juju
C'est bien plus qu'il n'en faut pour nous flanquer la pile !
Floréane
C'est du moins ce qu'on dit : je n'en crois pas un mot,
Grumpy gonfle le chiffre…
Pimbi
Grumpy ? Ah, vil nabot !
Jamais ils ne viendront : notre terre est sacrée
Et aucun souverain n'a jamais perpétré
Le crime de franchir le rempart de l'Adour
Qui nous garde des oïls, nous ocs depuis toujours…
S'ils passent la Garonne, ils auront les Landais,
Gascons, Périgourdins, Médocains, Bordelais !
Et encor faudra-t-il que les fiers Limousins
N'aient pas détruit leur ost et à pur et à plein ;
Le Lot-et-Garonnais, ceux du Gers, du Quercy,
L'habitant de Sarlat, celui de Lapopie,
Tous se sont rebellés, tous ont levé les armes !
Contre cette invasion le sud est en alarme :
De toutes les contrées qui parlent occitan
Ce n'est qu'un cri public et ce n'est qu'un élan.
Si Louis imagine imiter la croisade
Qui jadis massacra nos plus nobles alcades,
Il se fait illusion : du pays agenais,
De Toulouse, de Pau, d'Orthez, du Lauragais,
Du Couserans, Guyenne, Astarac et Chalosse,
Des Comminges, Bigorre, du Labourd, de Seignosse,
Il aura contre lui une marée humaine
Armée jusques aux dents, et toute l'Aquitaine
Et Midi-Pyrénées ne feront qu'un seul homme.
Qu'a-t-il à opposer ? Une armée ? Une somme
De troupes débandées, de seigneurs orgueilleux
Qui défient la couronne et se battent entre eux.
Et puis, nous avons l'Arme…
Jérôme
Tu m'intrigues, cousin…
Pimbi
Une horreur absolue, pire que le sarin…
Juju
Je crois avoir compris : j'en tremble d'épouvante…
Pimbi
Eux trembleront bien plus quand ils sauront qu'il hante
Depuis au moins cent ans les cuves de la Soule,
Du Labourd, de Navarre, et que les fûts qu'on roule
S'acheminent déjà vers le front du combat,
Que ces tonneaux de vin sans nombre on percera,
Qu'une outre bien remplie fera un projectile
Mortel à l'ennemi : or ça, Juju, édile
De notre beau village, allez, encore un verre !
Rions, buvons, chantons, et d'une voix légère
Jusqu'aux frimas de l'aube où nous serons tous ivres,
Versons-nous l'ambroisie : il dissipe le givre
Qui congèle nos cœurs et glace nos entrailles,
Car voyez-vous, de tout temps il n'est rien qui vaille
Un bon coup de jaja pendant un long repas :
Ce sont fiefs qu'à bon titre au Palais on n'a pas,
A cause de Grumpy qui veut catéchiser
Le roi, la reine, et tous les gens malavisés
Qui sur son évangile devront prêter serment
De poursuivre l'impie, d'honnir le mécréant…
Il rêve quelques instants, soucieux et reprend
Il est venu, le temps où la tartufferie
D'un royaume brillant a fait une fratrie
Dévorée par les vers rongeurs de la doctrine…
On confond à présent le trône et les latrines :
Oui, latrines : vraiment, le mot n'est pas trop fort !
Car qu'est-ce que ce Palais ? Un ramas de noobzors
Qui se proclament saints par décrets scripturaires
En affichant leurs tronches d'enseignes à bière,
Et en bâtant chacun de leur joug scélérat…
Scène 2 : Floréane –Juju –Jérôme –Pimbi –Daniel
Daniel Wilcox, résident britannique du village, entre en trombe, l'air soucieux
Daniel
Je viens dire à vous tous que j'ai viou des soldats !
Floréane
Des soldats ?
Pimbi
Allons bon !
Jérôme
Tu as bu !
Daniel
Only tea !
Je dormais in my bed : tout à coup, je bondis,
Je entendre un grand boum, là-bas ou y a le ferme
Dou monsieur Desperben : alors je saute ferme
A bas de le plumard ; je ouvre le fenêtre,
Et je vois plein des gens. Je dis moi que peut-être,
C'est la fête au village, and why not aujourd'hui !
By god ! Tout de suite mon femme rectifie :
Le fête, il se fait au printemps, et pas l'hiver !
Alors je décidé de raconter l'affaire
A vous.
Jérôme
Ils sont là ! Ils n'ont pas traîné, les traîtres !
Pimbi
Il faut nous replier, allons-y !
Floréane
Et nous mettre
A l'abri de nos fûts.
Pimbi
Oui, nous les ouvrirons
Au moment opportun, quand ils seront, disons…
A moins d'un quart de lieue, c'est la bonne distance.
L'Irouléguy vaincra : toutes leurs espérances
Sont vouées désormais à un échec cuisant :
Juju, le mot de passe : entre-le à l'instant…
Juju
C'est fait.
Pimbi
Allons à Ayçaguer : là, nous verrons
Leur armée débandée par ce foutu poison :
Nul n'en réchappera, une vraie hécatombe ;
Chaque pas qu'ils feront élargira la tombe
Où ils périront tous. Et nous capturerons
Grumpy, Guardian, Louis et Médéa : grouillons !
Jérôme
Justement, Médéa : il faudra bien qu'un jour
Quelqu'un l'instruise enfin, lui donne quelques cours
De la science sublime, à nulle autre pareille,
Qui place ici et là les monts et les merveilles
Dont l'altière nature érige les beautés,
En les distribuant avec égalité
Sous divers horizons qu'on ne doit point confondre ;
Qui donc lui apprendra que Copenhague et Londres
Sont des villes, morbleu, et non point des volcans !
Que la Seine est un fleuve et non le campement
Où le fier Attila vainquit les Wisigoths !
Que le Puy de Sancy n'est pas un artichaut
Mais un mont de la chaîne où tous les Auvergnats
Viennent l'hiver skier ; bon sang ! qui lui dira
Que le col du Somport n'est pas une chemise,
Que l'océan indien diffère de la brise
Qu'on appelle alizé ; et que l'huître, à la fin,
S'élève à Oléron et non devers la ville
Qu'arrose un gave dru en truites si fertile,
Que c'est à Oloron, oui : o, et non point : é
Qu'on fait un chocolat subtil et parfumé !
Aimable Médéa si douce et si gentille,
En géo, non vraiment, ne touche pas sa bille…
Tous se transportent non loin du café, à la maison Ayçaguer, quartier général de la défense. Une fois en place…
Jérôme
C'est le moment, Juju, d'envoyer le liquide.
Juju
Voilà pour eux, et hop, c'est parti ! Ah, quel vide
Cela fait dans leurs rangs ! Regardez : décousus,
Empêtrés, englués, ils sont archi battus !
Jérôme, fronçant les sourcils
Il me semble pourtant…
En aparté à Pimbi
Regarde un peu, dis-moi…
Pimbi
Quoi donc ?
Jérôme
Ces soldats ?
Pimbi
Oui ?
Jérôme
Je crois bien, par ma foi
Qu'ils portent des habits qui me sont familiers.
Pimbi
Familiers ?
Jérôme
Oui vraiment, les écussons gladiés
Aux armes des seigneurs de la basse Navarre…
Pimbi
Tu es sûr ?
Jérôme
Mais vois donc ! Affine ton regard.
Saisi d'horreur, il s'écrie
Vivou, par tous les dieux du Béarn et de Soule,
Ceux que nous repoussons, qui se noient sous l'Iroul…
Pimbi, l'interrompant
…sont nos propres armées ! Ah, Juju, quelle erreur !
Il est peut-être temps d'inverser la vapeur…
Ne les accablons plus de l'infâme pinard,
Sauvons-les…
Juju
Mais hélas, je crois qu'il est trop tard.
Vise un peu : l'ost entier démembré, éperdu
N'a plus de chef vaillant, et ses tristes écus
Sont à terre, souillés par l'effrayant cépage.
Jérôme
Qu'avons-nous fait ? Horreur ! Mettons fin au carnage,
Avant que roi Louis apprenne la mégarde
Qui range sous son sceptre une contrée hagarde !
Mais quelle idée aussi de préparer la guerre
A coups de Patxaran et de chopes de bière !
Nous aurions bien mieux fait, si loin de toute ivresse…
Scène 3 : les mêmes –Grumpy –Louis –Un capitaine des gardes
Le roi Louis, accompagné de Grumpy, d'un capitaine des gardes et d'une haie de soldats, fait irruption dans la maison Ayçaguer. Floréane a juste le temps de disparaître ni vue ni connue pour se cacher derrière le piano.
Louis
Pimbi, vil ravisseur ! Rends-nous notre princesse !
Où est-elle, ou est Flo ? Réponds, ou par ma foi
Je tranche net ton col de mon épée de roi.
Grumpy, à part lui, et se frottant les mains en ricanant
Hé, hé, il est moins fier, le jouvenceau bellâtre…
On lui fera goûter des plaisirs moins folâtres.
Louis
Enfermez ce fripon sous bonne surveillance,
Et son cousin itou, et toute cette engeance,
Le gargotier Juju et puis l'angliche aussi.
Je veux que dès demain, ce beau monde apprécie
La justice du roi qui sera implacable.
Allons, liez-moi bien ce tas de misérables
Et dûment enchaînés les fourrez au cachot.
Le voyage retour se fera à grand trot.
Aussitôt arrivés, je confie à Guardian
Le soin de peaufiner un supplice savant
Pour faire rendre gorge à ces méchants rebelles
De leurs forfaits commis. J'ai parlé, tous en selle.
La scène se vide de ses acteurs. Quand tout le monde est sorti, Floréane quitte sa cachette, jette une œillade par la fenêtre pour s'assurer que la troupe est loin, et s'assied sur le banc du piano en se désespérant.
Floréane
Malheur à nous, malheur ! Comment ne pas gémir
D'un si cruel méchef, et que de repentirs !
Nous avons festoyé presque toute la nuit !
Et à l'aube, lequel de nous n'était pas cuit ?
Fatal égarement qui laisse tant de traces
Qu'on confond une armée avec l'armée d'en face !
L'Irouléguy, ah non, ce n'était pas pour eux,
Et nos soldats, surpris par cette assaut vineux,
Ont vomi dans la fange en hoquets dégoûtants
L'estomac et leur la bile et tout à l'avenant !
Ah, Juju, qu'as-tu fait ? Car c'est bien sa taverne
Qui résigne à Pimbi le sort du fier Arverne
Et lui promet hélas pour la fin de ses jours
Un écrou sombre et blême au sommet d'une tour,
Un cachot sans lumière où la nuit exécrable
Le soustrait pour jamais aux plaisir de la table.
Finis les longs repas, finies les gaillardises :
Une brève cellule, un froc, une chemise,
Et les pieds nus, glacés, dans de dures sandales
Clopinant tristement sur le carreau des dalles.
Elle se dirige vers la sortie, hésite, puis, dans la nuit s'en va du côté opposé à celui où avaient surgi les troupes du roi Louis.
Je suis seule, il fait froid… et ce mot qui me hante :
Supplice, a-t-il bien dit : je tremble d'épouvante…
Quel supplice, grand Dieu ? Et confié à Guardian,
Ce bourreau sans pitié, ce pervers, ce ruffian !
Allez, il faut s'enfuir et sans trembler, sans choir,
Tâcher d'aller trouver delà Garonne et Loire
La princesse Gingembre et Minerve sa mère,
L'abbé… quel est son nom ? Le père Vairpépair !
Peut-être saura-t-il par quel pieux truchement
Je pourrai de sa geôle extraire mon amant.
FIN DU DEUXIÈME ACTE
Acte II – Le combat de dupes
Scène 1 : Floréane –Pimbi –Juju –Jérôme
Le bar de Juju, tard dans la nuit ; des bouteilles vides sur les tables, des jambons et des saucisses. Les convives ont l'œil vif et allumé, il règne une ambiance de rébellion avinée.
Pimbi
Non, ils ne viendront pas : ils sont trop désunis,
La guerre, ce n'est pas la chasse à la perdrix…
Il faut être solide, et ferme, et consistant,
Mener la troupe en règle, armer les combattants,
Peaufiner la tactique et confier aux stratèges
Les divers mouvements de ce vaste manège
Où se joue la bataille : prévoir une intendance
Pour nourrir le soldat, lui verser une avance
Sur ses émoluments auxquels il a bien droit,
L'enhardir au pillage, au viol, sans foi ni loi…
Mais quand la division désagrège une armée,
Prétendre à la victoire est un four consommé !
Ne croyez pas pourtant que je les dévalue :
Je ne fais pas ma proie de ces idées reçues
Qui pérorent partout qu'un trop lâche ennemi
Est un tigre en papier que l'on bat à l'envi.
Il faut être prudent et ne pas mépriser
Le nombre et la valeur ; soyons mieux avisés :
Prêtons-leur des talents que peut-être ils n'ont pas,
Etudions leurs desseins : combien sont-ils ?
Jérôme
Sais pas…
Floréane
J'ai entendu Grumpy parler de trois cent mille…
Juju
C'est bien plus qu'il n'en faut pour nous flanquer la pile !
Floréane
C'est du moins ce qu'on dit : je n'en crois pas un mot,
Grumpy gonfle le chiffre…
Pimbi
Grumpy ? Ah, vil nabot !
Jamais ils ne viendront : notre terre est sacrée
Et aucun souverain n'a jamais perpétré
Le crime de franchir le rempart de l'Adour
Qui nous garde des oïls, nous ocs depuis toujours…
S'ils passent la Garonne, ils auront les Landais,
Gascons, Périgourdins, Médocains, Bordelais !
Et encor faudra-t-il que les fiers Limousins
N'aient pas détruit leur ost et à pur et à plein ;
Le Lot-et-Garonnais, ceux du Gers, du Quercy,
L'habitant de Sarlat, celui de Lapopie,
Tous se sont rebellés, tous ont levé les armes !
Contre cette invasion le sud est en alarme :
De toutes les contrées qui parlent occitan
Ce n'est qu'un cri public et ce n'est qu'un élan.
Si Louis imagine imiter la croisade
Qui jadis massacra nos plus nobles alcades,
Il se fait illusion : du pays agenais,
De Toulouse, de Pau, d'Orthez, du Lauragais,
Du Couserans, Guyenne, Astarac et Chalosse,
Des Comminges, Bigorre, du Labourd, de Seignosse,
Il aura contre lui une marée humaine
Armée jusques aux dents, et toute l'Aquitaine
Et Midi-Pyrénées ne feront qu'un seul homme.
Qu'a-t-il à opposer ? Une armée ? Une somme
De troupes débandées, de seigneurs orgueilleux
Qui défient la couronne et se battent entre eux.
Et puis, nous avons l'Arme…
Jérôme
Tu m'intrigues, cousin…
Pimbi
Une horreur absolue, pire que le sarin…
Juju
Je crois avoir compris : j'en tremble d'épouvante…
Pimbi
Eux trembleront bien plus quand ils sauront qu'il hante
Depuis au moins cent ans les cuves de la Soule,
Du Labourd, de Navarre, et que les fûts qu'on roule
S'acheminent déjà vers le front du combat,
Que ces tonneaux de vin sans nombre on percera,
Qu'une outre bien remplie fera un projectile
Mortel à l'ennemi : or ça, Juju, édile
De notre beau village, allez, encore un verre !
Rions, buvons, chantons, et d'une voix légère
Jusqu'aux frimas de l'aube où nous serons tous ivres,
Versons-nous l'ambroisie : il dissipe le givre
Qui congèle nos cœurs et glace nos entrailles,
Car voyez-vous, de tout temps il n'est rien qui vaille
Un bon coup de jaja pendant un long repas :
Ce sont fiefs qu'à bon titre au Palais on n'a pas,
A cause de Grumpy qui veut catéchiser
Le roi, la reine, et tous les gens malavisés
Qui sur son évangile devront prêter serment
De poursuivre l'impie, d'honnir le mécréant…
Il rêve quelques instants, soucieux et reprend
Il est venu, le temps où la tartufferie
D'un royaume brillant a fait une fratrie
Dévorée par les vers rongeurs de la doctrine…
On confond à présent le trône et les latrines :
Oui, latrines : vraiment, le mot n'est pas trop fort !
Car qu'est-ce que ce Palais ? Un ramas de noobzors
Qui se proclament saints par décrets scripturaires
En affichant leurs tronches d'enseignes à bière,
Et en bâtant chacun de leur joug scélérat…
Scène 2 : Floréane –Juju –Jérôme –Pimbi –Daniel
Daniel Wilcox, résident britannique du village, entre en trombe, l'air soucieux
Daniel
Je viens dire à vous tous que j'ai viou des soldats !
Floréane
Des soldats ?
Pimbi
Allons bon !
Jérôme
Tu as bu !
Daniel
Only tea !
Je dormais in my bed : tout à coup, je bondis,
Je entendre un grand boum, là-bas ou y a le ferme
Dou monsieur Desperben : alors je saute ferme
A bas de le plumard ; je ouvre le fenêtre,
Et je vois plein des gens. Je dis moi que peut-être,
C'est la fête au village, and why not aujourd'hui !
By god ! Tout de suite mon femme rectifie :
Le fête, il se fait au printemps, et pas l'hiver !
Alors je décidé de raconter l'affaire
A vous.
Jérôme
Ils sont là ! Ils n'ont pas traîné, les traîtres !
Pimbi
Il faut nous replier, allons-y !
Floréane
Et nous mettre
A l'abri de nos fûts.
Pimbi
Oui, nous les ouvrirons
Au moment opportun, quand ils seront, disons…
A moins d'un quart de lieue, c'est la bonne distance.
L'Irouléguy vaincra : toutes leurs espérances
Sont vouées désormais à un échec cuisant :
Juju, le mot de passe : entre-le à l'instant…
Juju
C'est fait.
Pimbi
Allons à Ayçaguer : là, nous verrons
Leur armée débandée par ce foutu poison :
Nul n'en réchappera, une vraie hécatombe ;
Chaque pas qu'ils feront élargira la tombe
Où ils périront tous. Et nous capturerons
Grumpy, Guardian, Louis et Médéa : grouillons !
Jérôme
Justement, Médéa : il faudra bien qu'un jour
Quelqu'un l'instruise enfin, lui donne quelques cours
De la science sublime, à nulle autre pareille,
Qui place ici et là les monts et les merveilles
Dont l'altière nature érige les beautés,
En les distribuant avec égalité
Sous divers horizons qu'on ne doit point confondre ;
Qui donc lui apprendra que Copenhague et Londres
Sont des villes, morbleu, et non point des volcans !
Que la Seine est un fleuve et non le campement
Où le fier Attila vainquit les Wisigoths !
Que le Puy de Sancy n'est pas un artichaut
Mais un mont de la chaîne où tous les Auvergnats
Viennent l'hiver skier ; bon sang ! qui lui dira
Que le col du Somport n'est pas une chemise,
Que l'océan indien diffère de la brise
Qu'on appelle alizé ; et que l'huître, à la fin,
S'élève à Oléron et non devers la ville
Qu'arrose un gave dru en truites si fertile,
Que c'est à Oloron, oui : o, et non point : é
Qu'on fait un chocolat subtil et parfumé !
Aimable Médéa si douce et si gentille,
En géo, non vraiment, ne touche pas sa bille…
Tous se transportent non loin du café, à la maison Ayçaguer, quartier général de la défense. Une fois en place…
Jérôme
C'est le moment, Juju, d'envoyer le liquide.
Juju
Voilà pour eux, et hop, c'est parti ! Ah, quel vide
Cela fait dans leurs rangs ! Regardez : décousus,
Empêtrés, englués, ils sont archi battus !
Jérôme, fronçant les sourcils
Il me semble pourtant…
En aparté à Pimbi
Regarde un peu, dis-moi…
Pimbi
Quoi donc ?
Jérôme
Ces soldats ?
Pimbi
Oui ?
Jérôme
Je crois bien, par ma foi
Qu'ils portent des habits qui me sont familiers.
Pimbi
Familiers ?
Jérôme
Oui vraiment, les écussons gladiés
Aux armes des seigneurs de la basse Navarre…
Pimbi
Tu es sûr ?
Jérôme
Mais vois donc ! Affine ton regard.
Saisi d'horreur, il s'écrie
Vivou, par tous les dieux du Béarn et de Soule,
Ceux que nous repoussons, qui se noient sous l'Iroul…
Pimbi, l'interrompant
…sont nos propres armées ! Ah, Juju, quelle erreur !
Il est peut-être temps d'inverser la vapeur…
Ne les accablons plus de l'infâme pinard,
Sauvons-les…
Juju
Mais hélas, je crois qu'il est trop tard.
Vise un peu : l'ost entier démembré, éperdu
N'a plus de chef vaillant, et ses tristes écus
Sont à terre, souillés par l'effrayant cépage.
Jérôme
Qu'avons-nous fait ? Horreur ! Mettons fin au carnage,
Avant que roi Louis apprenne la mégarde
Qui range sous son sceptre une contrée hagarde !
Mais quelle idée aussi de préparer la guerre
A coups de Patxaran et de chopes de bière !
Nous aurions bien mieux fait, si loin de toute ivresse…
Scène 3 : les mêmes –Grumpy –Louis –Un capitaine des gardes
Le roi Louis, accompagné de Grumpy, d'un capitaine des gardes et d'une haie de soldats, fait irruption dans la maison Ayçaguer. Floréane a juste le temps de disparaître ni vue ni connue pour se cacher derrière le piano.
Louis
Pimbi, vil ravisseur ! Rends-nous notre princesse !
Où est-elle, ou est Flo ? Réponds, ou par ma foi
Je tranche net ton col de mon épée de roi.
Grumpy, à part lui, et se frottant les mains en ricanant
Hé, hé, il est moins fier, le jouvenceau bellâtre…
On lui fera goûter des plaisirs moins folâtres.
Louis
Enfermez ce fripon sous bonne surveillance,
Et son cousin itou, et toute cette engeance,
Le gargotier Juju et puis l'angliche aussi.
Je veux que dès demain, ce beau monde apprécie
La justice du roi qui sera implacable.
Allons, liez-moi bien ce tas de misérables
Et dûment enchaînés les fourrez au cachot.
Le voyage retour se fera à grand trot.
Aussitôt arrivés, je confie à Guardian
Le soin de peaufiner un supplice savant
Pour faire rendre gorge à ces méchants rebelles
De leurs forfaits commis. J'ai parlé, tous en selle.
La scène se vide de ses acteurs. Quand tout le monde est sorti, Floréane quitte sa cachette, jette une œillade par la fenêtre pour s'assurer que la troupe est loin, et s'assied sur le banc du piano en se désespérant.
Floréane
Malheur à nous, malheur ! Comment ne pas gémir
D'un si cruel méchef, et que de repentirs !
Nous avons festoyé presque toute la nuit !
Et à l'aube, lequel de nous n'était pas cuit ?
Fatal égarement qui laisse tant de traces
Qu'on confond une armée avec l'armée d'en face !
L'Irouléguy, ah non, ce n'était pas pour eux,
Et nos soldats, surpris par cette assaut vineux,
Ont vomi dans la fange en hoquets dégoûtants
L'estomac et leur la bile et tout à l'avenant !
Ah, Juju, qu'as-tu fait ? Car c'est bien sa taverne
Qui résigne à Pimbi le sort du fier Arverne
Et lui promet hélas pour la fin de ses jours
Un écrou sombre et blême au sommet d'une tour,
Un cachot sans lumière où la nuit exécrable
Le soustrait pour jamais aux plaisir de la table.
Finis les longs repas, finies les gaillardises :
Une brève cellule, un froc, une chemise,
Et les pieds nus, glacés, dans de dures sandales
Clopinant tristement sur le carreau des dalles.
Elle se dirige vers la sortie, hésite, puis, dans la nuit s'en va du côté opposé à celui où avaient surgi les troupes du roi Louis.
Je suis seule, il fait froid… et ce mot qui me hante :
Supplice, a-t-il bien dit : je tremble d'épouvante…
Quel supplice, grand Dieu ? Et confié à Guardian,
Ce bourreau sans pitié, ce pervers, ce ruffian !
Allez, il faut s'enfuir et sans trembler, sans choir,
Tâcher d'aller trouver delà Garonne et Loire
La princesse Gingembre et Minerve sa mère,
L'abbé… quel est son nom ? Le père Vairpépair !
Peut-être saura-t-il par quel pieux truchement
Je pourrai de sa geôle extraire mon amant.
FIN DU DEUXIÈME ACTE
gingembre- Habitué du forum ++
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Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
L'Acte 3 à présent.
Acte III : l'intrigue des félons
Scène 1 : Grumpy –Guardian
La sacristie de l'église, le soir. Une chandelle est posée sur une table et répand une lumière blafarde. Grumpy est assis sur une chaise. En face de lui, assis lui aussi mais sur un banc, Guardian qui gratte son crâne pelé.
Grumpy
Enfin nous le tenons : enfin, et pour longtemps.
Tous les sujets du roi dès lors sont au courant ;
Tu es un bon appui, je suis content de toi ;
Pimbi, grâce à tes soins, n'a plus ni foi ni loi,
Il est grillé partout, renégat, imposteur,
Ravisseur de princesse et, pire, adulateur
De dieux impies, païens, ah, ah ! Tu as bien fait
De peindre en jeune bouc son lubrique portrait.
Ainsi aux yeux de tous il a commis le crime
Qui veut le châtiment suprême…
Guardian
Pain azyme ?
Grumpy
Quoi ?
Guardian
Je veux dire : finis les pains aux raisins ?
Grumpy hoche la tête avec dédain
Parfois, ton ineptie me rend triste et chagrin…
Crois-tu que nous ayons tant œuvré à sa mouise
Qu'afin de le priver de quelques friandises ?
Je veux qu'il soit traîné devant les tribunaux ;
D'abord le séculier, puis chez les officiaux
De notre inquisition pour la foi : double peine !
Que le roi le condamne à la mort, dans l'arène…
Là les lions affamés et les tigres voraces
Feront riche pitance ; et qu'après, sa carcasse
Soit comme le faisaient nos aïeux des voleurs,
Exposée au soleil sous la pleine chaleur.
L'exemple édifiera le bon peuple en émoi ;
Personne, après cela, n'enfreindra plus nos lois.
Nous régnerons d'un bout à l'autre du royaume,
On tremblera partout, et sous les toits de chaume
Ma photo placardée sera le répulsif…
Guardian
Euh… saint patron, j'apporte ici un correctif…
Grumpy
Ha ! Me corriger, toi ? Quelle audace, avorton !
Guardian
C'est que, sans vous vexer, votre photo… ben non !
Grumpy
Quoi, ben non ?
Guardian
C'est un anachronisme.
Grumpy
Et alors ?
Guardian
Ah, vous mélangez tout de travers…
Dans sa barbe
Quel butor !
A voix haute et avec une impertinence croissante, et pendant sa harangue Grumpy ne cesse de se rembrunir.
Un théâtre en beaux vers veut de l'exactitude,
De l'époque où l'on vit l'entière certitude ;
Il fustige l'auteur qui plante ici et là
Des jalons que le temps ne reconnaîtra pas.
Votre photo, saint père, est une erreur grossière,
La rustre malfaçon d'un cerveau à l'envers !
Nous n'avons pas encor inventé la technique
Par laquelle à jamais vos traits antipathiques
Garniront les albums de nos petits-enfants !
Le siècle en est toujours aux artistes flamands
Qui peignent à loisir les portraits de leurs belles
Afin de consacrer leur triomphe éternel.
Alors, permettez-moi, avec tous les égards
Que votre nom de père inspire à un pendard,
Que vous feriez bien mieux de rabaisser le ton
Sur lequel vous parlez à votre prête-nom…
Je me commets pour vous depuis bientôt trente ans,
Je vous sers en tous lieux sous la foi du serment,
Et bien, aujourd'hui même, et ne vous en déplaise
J'éprouve dans mon âme un bien aigre malaise
A sucer le venin d'une morgue imbécile,
Et le front toujours bas, et la langue stérile,
A ne jamais répondre à vos doctes injures
Qu'en les ingurgitant sans murmurer ! Ma bure
Est le triste témoin de vos humiliations :
J'ai compromis Pimbi au nom de la nation
Dont vous vous moquez bien, ne visant qu'à extraire
D'un contexte propice un pouvoir adultère .
Grumpy, rouge de colère, avale vite un cachet contre l'hypertension artérielle
Qu'est-ce, ourgl… ?
Guardian, les yeux exorbités et postillonnant sa salive à chaque mot
Il faut enfin que céans j'éclate,
Que de tous mes griefs je vous vide ma rate !
De votre démesure en tous lieux l'on frémit,
On vous hait, et partout votre faciès maudit
L'emporte sur Mélac et son sac palatin .
Votre figure austère et votre voix d'airain
Insurgent les sujets de notre roi Louis
Qui, hélas, vous protège et, chimère inouïe,
Persiste à voir en vous l'émule de Jésus,
Quand la reine elle-même abhorre un tel abus.
Grumpy, au bord de la syncope
Tais-toi, damné Liégeois !
Guardian
Je ne me tairai pas !
Je vais te déballer ton opprobre, et à plat !
Il est temps, vieux gredin, de t'arracher ton masque,
Rabattre ton orgueil et publier tes frasques !
Grumpy
Tu me tutoies ? O ciel…
Guardian
Que le diable t'emporte !
Va rejoindre Satan et toute sa cohorte,
Va nous restituer les larcins d'un faux zèle
Qui n'a jamais été que grimace à laquelle
Tu as cousu l'ourlet d'une piété informe !
Un jour viendra, pourtant, où Louis, sous son orme,
Il est évident que sire Louis, comme son glorieux ancêtre Louis IX, saint Louis, rend la justice sous un chêne. On ne lui a substitué un orme que pour la rime, selon la vocation des mauvais rimailleurs qui ne consentent pas à s'écharpiller les méninges et donnent insolemment dans la facilité… (Note de l'auteur, avec tous ses regrets).
L'œil enfin dessillé fera ample justice
En éditant à pur et à plein tous tes vices,
Et…
Grumpy râle, porte sa main à son front et s'évanouit, tête sur la table. Guardian, prudemment, redoutant quelque subterfuge, s'approche et l'examine en branlant son crâne chauve…
Serait-il donc mort ? Ah, que ce serait bon
S'il était convoyé sur la barque à Charon…
Il s'empare d'un petit miroir de courtoisie et le place devant la bouche du moribond.
Hélas, il vit toujours : c'est un roc, un menhir,
Il n'a pas expiré son ultime soupir.
Il s'interroge, en proie à un cas de conscience.
Faut-il le laisser là ? Ou bien… et si j'osais…
Un peu de cyanure, et voilà pour jamais
Notre royaume enfin de lui débarrassé.
Mais non… je suis bien sûr que, surtout trépassé,
Il serait un martyr pour toutes les bigotes,
Les culs bénis, cagots et la troupe dévote
Qui vénèrent en chœur jusqu'à sa barbe blanche…
Tout de lui deviendrait idolâtre. En revanche…
Ses yeux s'allument, comme sous l'empire d'une soudaine inspiration.
Quelle idée de génie féconde mon cerveau !...
Et si… mais oui, mais oui : si j'appelais Gilbo
Avec l'air affolé que veut la circonstance ?
Elle témoignerait que mes vives instances
Se faisaient un devoir de sauver le Grumpy ;
Que d'un sincère effroi mon cœur était transi.
On me louerait bientôt d'avoir sauvé ce nain
Qui par aveuglement passe encor pour un saint !
De cette noble action j'aurais la récompense,
Et l'on me verserait peut-être les créances
Que tant de débiteurs ont contractées sur moi
Sans que jamais j'aie pu faire valoir mes droits…
Notre sire Louis pourrait bien me vaquer
La chocolaterie que j'ai tant reluquée,
Qui était à Pimbi et que par stellionat
J'avais vendue à perte afin qu'il ne l'eût pas.
Faisons venir Gilbo, il est temps, pressons-nous…
Il quitte la scène et s'engage dans un corridor sombre où il disparaît. Grumpy, toujours évanoui, ne remue pas. On entend bientôt des pas sur le dallage, ce sont ceux de Guardian qui revient, accompagné de Gilbo, en habit noir à chapeau haut de forme, tout comme un médecin du temps de Molière.
Scène 2 : Guardian–Gilbo
Guardian, feignant la désolation
C'est ici, je ne sais… nous étions à genoux
En prière tous deux, et tout à coup voici
Qu'il chancelle et s'affaisse en poussant un grand cri.
Gilbo, après avoir étalé sur la table sa trousse de médecin, lui prend le pouls
Voyons, voyons, le rhythme de son cœur est sourd…
Et le pouls diuruscule : ah ça, s'il ne se fourre
Dedans cette affection quelque fluxion sentie,
Parenchyme splénique ou bien une apepsie,
Intempérie des reins, vapeurs désopilantes,
Et haec punietur conglutinem peccante,
Je le déclare net, il faut les sacrements,
Un médecin n'est plus ici qu'inopérant.
A-t-on bien prélevé sa matière louable ?
L'a-t-on saigné, au moins ? Il n'est point concevable
Que son teint soit si terne et ses orbites caves…
Toisant Guardian en coin
Il te ressemble un peu, on dirait une épave.
Guardian
C'est trop de compliments ! Ton verdict, je te prie !
Gilbo
Il est atteint, ma foi, d'une douce folie
Qui a crevé la peau du bulbe rachidien
Et s'est soudée ensuite à son gros intestin
Dont les humeurs pourprées, ou bien caligineuses,
Ont dévoré la rate et la bile vineuse
Avant de s'attaquer au cœur qui est à droite,
Et au foie sur la gauche… Tout cela me rend coite !
Guardian
Et moi donc ! Je croyais que le cœur, sacrebleu !
Etait plutôt à gauche et le foie, de l'aveu
De tous les médecins, à droite ! Ah, je m'y perds…
Gilbo
Ce n'est plus ainsi que l'on raisonne : et les nerfs
Ont reçu le beau nom de synapses branchés,
Le cœur est une pompe à l'aorte emmanchée
Et le fier pédoncule qui oscille et se tend
N'est plus qu'un instrument à faire des enfants.
Guardian
Ce que c'est d'être savant ! Je suis ébaubi.
Gilbo
Nous avons inventé, dans notre académie,
Un nouveau médical fondé sur les anciens,
Diafoirus, Hippocrate et jusques à Galien :
Nous jugeons de notre art d'une méthode neuve,
Nous ne tolérons plus qu'on nous dise, sans preuve,
Qu'un rôt n'est pas lié à la pression de l'air…
La lune désormais est un astre de verre
Qui envoie ses vapeurs et ramollit le chibre
Quand de sa conjonction avec Mars elle vibre.
Pour soigner un cerveau malade de démence,
Il faut de la rhubarbe et de la graisse rance.
Et pour venir à bout d'une diarrhée chronique,
Il convient de croquer des herbes balsamiques.
Guardian
Revenons à Grumpy : crois-tu qu'il survivra ?
Gilbo
Je vais lui faire boire un verre de rosat :
S'il soupire en bâillant, si sa barbe fleurit,
C'est qu'il recouvre enfin humeur et appétit.
Elle lui fait boire son breuvage. Grumpy dodeline de la tête, sa barbe s'effiloche, puis il regarde autour de lui, aperçoit Guardian et, horrifié, se couvre les yeux.
(à suivre...)
Acte III : l'intrigue des félons
Scène 1 : Grumpy –Guardian
La sacristie de l'église, le soir. Une chandelle est posée sur une table et répand une lumière blafarde. Grumpy est assis sur une chaise. En face de lui, assis lui aussi mais sur un banc, Guardian qui gratte son crâne pelé.
Grumpy
Enfin nous le tenons : enfin, et pour longtemps.
Tous les sujets du roi dès lors sont au courant ;
Tu es un bon appui, je suis content de toi ;
Pimbi, grâce à tes soins, n'a plus ni foi ni loi,
Il est grillé partout, renégat, imposteur,
Ravisseur de princesse et, pire, adulateur
De dieux impies, païens, ah, ah ! Tu as bien fait
De peindre en jeune bouc son lubrique portrait.
Ainsi aux yeux de tous il a commis le crime
Qui veut le châtiment suprême…
Guardian
Pain azyme ?
Grumpy
Quoi ?
Guardian
Je veux dire : finis les pains aux raisins ?
Grumpy hoche la tête avec dédain
Parfois, ton ineptie me rend triste et chagrin…
Crois-tu que nous ayons tant œuvré à sa mouise
Qu'afin de le priver de quelques friandises ?
Je veux qu'il soit traîné devant les tribunaux ;
D'abord le séculier, puis chez les officiaux
De notre inquisition pour la foi : double peine !
Que le roi le condamne à la mort, dans l'arène…
Là les lions affamés et les tigres voraces
Feront riche pitance ; et qu'après, sa carcasse
Soit comme le faisaient nos aïeux des voleurs,
Exposée au soleil sous la pleine chaleur.
L'exemple édifiera le bon peuple en émoi ;
Personne, après cela, n'enfreindra plus nos lois.
Nous régnerons d'un bout à l'autre du royaume,
On tremblera partout, et sous les toits de chaume
Ma photo placardée sera le répulsif…
Guardian
Euh… saint patron, j'apporte ici un correctif…
Grumpy
Ha ! Me corriger, toi ? Quelle audace, avorton !
Guardian
C'est que, sans vous vexer, votre photo… ben non !
Grumpy
Quoi, ben non ?
Guardian
C'est un anachronisme.
Grumpy
Et alors ?
Guardian
Ah, vous mélangez tout de travers…
Dans sa barbe
Quel butor !
A voix haute et avec une impertinence croissante, et pendant sa harangue Grumpy ne cesse de se rembrunir.
Un théâtre en beaux vers veut de l'exactitude,
De l'époque où l'on vit l'entière certitude ;
Il fustige l'auteur qui plante ici et là
Des jalons que le temps ne reconnaîtra pas.
Votre photo, saint père, est une erreur grossière,
La rustre malfaçon d'un cerveau à l'envers !
Nous n'avons pas encor inventé la technique
Par laquelle à jamais vos traits antipathiques
Garniront les albums de nos petits-enfants !
Le siècle en est toujours aux artistes flamands
Qui peignent à loisir les portraits de leurs belles
Afin de consacrer leur triomphe éternel.
Alors, permettez-moi, avec tous les égards
Que votre nom de père inspire à un pendard,
Que vous feriez bien mieux de rabaisser le ton
Sur lequel vous parlez à votre prête-nom…
Je me commets pour vous depuis bientôt trente ans,
Je vous sers en tous lieux sous la foi du serment,
Et bien, aujourd'hui même, et ne vous en déplaise
J'éprouve dans mon âme un bien aigre malaise
A sucer le venin d'une morgue imbécile,
Et le front toujours bas, et la langue stérile,
A ne jamais répondre à vos doctes injures
Qu'en les ingurgitant sans murmurer ! Ma bure
Est le triste témoin de vos humiliations :
J'ai compromis Pimbi au nom de la nation
Dont vous vous moquez bien, ne visant qu'à extraire
D'un contexte propice un pouvoir adultère .
Grumpy, rouge de colère, avale vite un cachet contre l'hypertension artérielle
Qu'est-ce, ourgl… ?
Guardian, les yeux exorbités et postillonnant sa salive à chaque mot
Il faut enfin que céans j'éclate,
Que de tous mes griefs je vous vide ma rate !
De votre démesure en tous lieux l'on frémit,
On vous hait, et partout votre faciès maudit
L'emporte sur Mélac et son sac palatin .
Votre figure austère et votre voix d'airain
Insurgent les sujets de notre roi Louis
Qui, hélas, vous protège et, chimère inouïe,
Persiste à voir en vous l'émule de Jésus,
Quand la reine elle-même abhorre un tel abus.
Grumpy, au bord de la syncope
Tais-toi, damné Liégeois !
Guardian
Je ne me tairai pas !
Je vais te déballer ton opprobre, et à plat !
Il est temps, vieux gredin, de t'arracher ton masque,
Rabattre ton orgueil et publier tes frasques !
Grumpy
Tu me tutoies ? O ciel…
Guardian
Que le diable t'emporte !
Va rejoindre Satan et toute sa cohorte,
Va nous restituer les larcins d'un faux zèle
Qui n'a jamais été que grimace à laquelle
Tu as cousu l'ourlet d'une piété informe !
Un jour viendra, pourtant, où Louis, sous son orme,
Il est évident que sire Louis, comme son glorieux ancêtre Louis IX, saint Louis, rend la justice sous un chêne. On ne lui a substitué un orme que pour la rime, selon la vocation des mauvais rimailleurs qui ne consentent pas à s'écharpiller les méninges et donnent insolemment dans la facilité… (Note de l'auteur, avec tous ses regrets).
L'œil enfin dessillé fera ample justice
En éditant à pur et à plein tous tes vices,
Et…
Grumpy râle, porte sa main à son front et s'évanouit, tête sur la table. Guardian, prudemment, redoutant quelque subterfuge, s'approche et l'examine en branlant son crâne chauve…
Serait-il donc mort ? Ah, que ce serait bon
S'il était convoyé sur la barque à Charon…
Il s'empare d'un petit miroir de courtoisie et le place devant la bouche du moribond.
Hélas, il vit toujours : c'est un roc, un menhir,
Il n'a pas expiré son ultime soupir.
Il s'interroge, en proie à un cas de conscience.
Faut-il le laisser là ? Ou bien… et si j'osais…
Un peu de cyanure, et voilà pour jamais
Notre royaume enfin de lui débarrassé.
Mais non… je suis bien sûr que, surtout trépassé,
Il serait un martyr pour toutes les bigotes,
Les culs bénis, cagots et la troupe dévote
Qui vénèrent en chœur jusqu'à sa barbe blanche…
Tout de lui deviendrait idolâtre. En revanche…
Ses yeux s'allument, comme sous l'empire d'une soudaine inspiration.
Quelle idée de génie féconde mon cerveau !...
Et si… mais oui, mais oui : si j'appelais Gilbo
Avec l'air affolé que veut la circonstance ?
Elle témoignerait que mes vives instances
Se faisaient un devoir de sauver le Grumpy ;
Que d'un sincère effroi mon cœur était transi.
On me louerait bientôt d'avoir sauvé ce nain
Qui par aveuglement passe encor pour un saint !
De cette noble action j'aurais la récompense,
Et l'on me verserait peut-être les créances
Que tant de débiteurs ont contractées sur moi
Sans que jamais j'aie pu faire valoir mes droits…
Notre sire Louis pourrait bien me vaquer
La chocolaterie que j'ai tant reluquée,
Qui était à Pimbi et que par stellionat
J'avais vendue à perte afin qu'il ne l'eût pas.
Faisons venir Gilbo, il est temps, pressons-nous…
Il quitte la scène et s'engage dans un corridor sombre où il disparaît. Grumpy, toujours évanoui, ne remue pas. On entend bientôt des pas sur le dallage, ce sont ceux de Guardian qui revient, accompagné de Gilbo, en habit noir à chapeau haut de forme, tout comme un médecin du temps de Molière.
Scène 2 : Guardian–Gilbo
Guardian, feignant la désolation
C'est ici, je ne sais… nous étions à genoux
En prière tous deux, et tout à coup voici
Qu'il chancelle et s'affaisse en poussant un grand cri.
Gilbo, après avoir étalé sur la table sa trousse de médecin, lui prend le pouls
Voyons, voyons, le rhythme de son cœur est sourd…
Et le pouls diuruscule : ah ça, s'il ne se fourre
Dedans cette affection quelque fluxion sentie,
Parenchyme splénique ou bien une apepsie,
Intempérie des reins, vapeurs désopilantes,
Et haec punietur conglutinem peccante,
Je le déclare net, il faut les sacrements,
Un médecin n'est plus ici qu'inopérant.
A-t-on bien prélevé sa matière louable ?
L'a-t-on saigné, au moins ? Il n'est point concevable
Que son teint soit si terne et ses orbites caves…
Toisant Guardian en coin
Il te ressemble un peu, on dirait une épave.
Guardian
C'est trop de compliments ! Ton verdict, je te prie !
Gilbo
Il est atteint, ma foi, d'une douce folie
Qui a crevé la peau du bulbe rachidien
Et s'est soudée ensuite à son gros intestin
Dont les humeurs pourprées, ou bien caligineuses,
Ont dévoré la rate et la bile vineuse
Avant de s'attaquer au cœur qui est à droite,
Et au foie sur la gauche… Tout cela me rend coite !
Guardian
Et moi donc ! Je croyais que le cœur, sacrebleu !
Etait plutôt à gauche et le foie, de l'aveu
De tous les médecins, à droite ! Ah, je m'y perds…
Gilbo
Ce n'est plus ainsi que l'on raisonne : et les nerfs
Ont reçu le beau nom de synapses branchés,
Le cœur est une pompe à l'aorte emmanchée
Et le fier pédoncule qui oscille et se tend
N'est plus qu'un instrument à faire des enfants.
Guardian
Ce que c'est d'être savant ! Je suis ébaubi.
Gilbo
Nous avons inventé, dans notre académie,
Un nouveau médical fondé sur les anciens,
Diafoirus, Hippocrate et jusques à Galien :
Nous jugeons de notre art d'une méthode neuve,
Nous ne tolérons plus qu'on nous dise, sans preuve,
Qu'un rôt n'est pas lié à la pression de l'air…
La lune désormais est un astre de verre
Qui envoie ses vapeurs et ramollit le chibre
Quand de sa conjonction avec Mars elle vibre.
Pour soigner un cerveau malade de démence,
Il faut de la rhubarbe et de la graisse rance.
Et pour venir à bout d'une diarrhée chronique,
Il convient de croquer des herbes balsamiques.
Guardian
Revenons à Grumpy : crois-tu qu'il survivra ?
Gilbo
Je vais lui faire boire un verre de rosat :
S'il soupire en bâillant, si sa barbe fleurit,
C'est qu'il recouvre enfin humeur et appétit.
Elle lui fait boire son breuvage. Grumpy dodeline de la tête, sa barbe s'effiloche, puis il regarde autour de lui, aperçoit Guardian et, horrifié, se couvre les yeux.
(à suivre...)
gingembre- Habitué du forum ++
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Re: Drame au Palais
Scène 3 : Grumpy – Guardian – Gilbo
Grumpy
Quel est ce monstre noir qui me nargue et ricane
Comme un vieux procureur habile à la chicane ?
Va t'en d'ici, scorpion, fuis pour toujours ces lieux,
Ou je jure en mon for et sur tous mes aïeux
Que je te ferai pendre à la première branche
Comme un traître apostat, relaps et… en dimanche.
Guardian
En dimanche ! Est-ce là une rime assortie ?
Gilbo, en aparté à Guardian
Il perd toute raison, il n'a plus son esprit.
Grumpy, se levant et déambulant avec des yeux égarés
Taisez-vous ! Qui est là ? Comment t'appelles-tu,
Toi donc l'habit finit en un chapeau pointu ?
Gilbo
Je suis la médicastre et la pharmacopole,
Maître-myrrhe payée en friandes oboles
Pour veiller avec art sur les corps cacochymes
Et ranimer leurs chairs dans un latin sublime :
– Mentula maligna pènajouir erectus –
D'une santé nouvelle, salud hominibus.
Grumpy
Tu parles étrangement : est-ce du béarnais,
Du bigourdan, du basque, ou bien de l'ardennais ?
Je ne t'ai jamais vue au Palais, patatrac…
Il est évident, à ce "patatrac", que le pauvre Grumpy nous fait une vraie crise d'aliénation mentale.
Gilbo
D'un cévenole bled dont le nom est en –ac
C'est là le doux idiome que depuis mon enfance
Je pratique à loisir sous toutes les nuances.
Grumpy
Ah, ah, en –ac, dis-tu ? Tu es donc une -oc !
Tout comme le Pimbi et son cousin d'estoc !
Une traîtresse alors, une sale transfuge
Qui en notre Palais s'est fourrée un refuge
Pour nous empoisonner, sur l'ordre du gamin
Qui a tout manœuvré, tout ourdi de sa main.
Criant avec frénésie
A moi la garde, à moi ! Qu'on arrête la femme
Par qui vient le malheur, source de tous les drames !
Ce n'est qu'une sorcière, une stryge, un démon,
Et je veux qu'on la brûle en invoquant les noms
De tous les saints du paradis que je vénère,
Anges et chérubins, et tout l'ordre Ansabère !
Guardian, en aparté à Gilbo
Ansabère est un… gave, il déconne à plein tube…
Gilbo
Nous devons le conduire à l'hosto : on l'intube,
On lui donne un calmant, on le soigne et demain
Il n'y paraîtra plus, foi de Gilbo ! Sa main
Est toute trémulante et son front se dessèche…
Il n'y a qu'un remède, une grasse ventrèche
Avec un bon pichet d'un vieux vin de Bordeaux
Chasse-spleen, ou Moulis, Saint-Estèphe ou Margaux.
Guardian, va sur-le-champ prévenir notre sire
Que Grumpy est malade et qu'il faut sans faillir,
Lui prescrire un furieux traitement de cheval.
Elle sourit et ajoute, par en dessous, et en veillant que Grumpy ne l'entende pas
Mais si, par un hasard que l'on dira… fatal,
Tu mêlais au pinard quelque maligne essence,
Belladone, aconit … enfin une substance
Qui agirait en douce, avec tact et mesure,
Afin que par ce biais nous aidions la nature…
Tu sais dans quelle estime on me tient au Palais :
Je veux récompenser ceux qui par leurs forfaits
Défendent des docteurs l'indéfendable cause.
Grumpy doute de nous, et il nous indispose
A pourfendre notre art de tonnes de critiques
Dont il poivre à loisir sa mièvre rhétorique.
Nous ne sommes pour lui qu'un tas de charlatans
Vendeurs de mithridate et marchands d'orviétan !
Hippocrate n'est rien à ses yeux, ni Galien,
Il méprise à hauts cris la science des anciens :
Purgatifs, lavements, drogues et élixirs,
Il nous conteste tout, et Louis, notre sire
Se convainc à présent qu'il lui prêche le vrai…
Demain nous pourrions bien rembourser tous les frais
Dont nous, les imposteurs, tirons grand bénéfice
En prescrivant des soins qui ne sont qu'artifice.
Mais aussi est-ce donc autrement qu'on agit
Lorsque pour lait d'étude on n'a bu que Bambi ?
Il n'est pas un de nous qui ait dans sa jeunesse
Ouvert un docte livre ; ô cervelles épaisses
Qui n'ont jamais appris que l'art de contrefaire
Une science postiche : car nous faisons la guerre
A un savoir pesant trop long à digérer.
Quelques tomes jaunis à la tranche dorée
Pleins de galimatias et de vaines chimères,
Mais placés en relief de hautes étagères ;
Un débit bien verbeux en latin de cuisine,
Avoir réponse à tout ce qui vous turlupine
Quand la fièvre vous prend ou qu'un mal vous déchire,
Et l'on devient toubib ! Ma foi, on a vu pire...
Ce n'est pas autrement qu'un habile opportun
Des ficelles du droit dénoue les nœuds malins,
Et faisant condamner l'honneur et l'innocence
S'arroge tous leurs biens à coups de manigances.
Pourquoi n'aurions-nous pas notre part de la gloire
Qui dicte aux intrigants leurs pernicieux devoirs ?
Ah, nous serions bien sots si nous faisions dépendre
Notre réputation de la fureur d'apprendre
Le fas et le nefas d'un savoir inutile,
Alors qu'avec un peu de baragouin débile
On est partout fêté comme de grands savants
Comme autrefois Purgon, Diafoirus et Fleurant …
Un seul nous a percés : il s'appelle Grumpy ;
C'est pourquoi, toi Guardian, tu dois sans autre avis
Lui dépêcher besogne en un monde meilleur…
Guardian
J'y vais, rusée Gilbo ; on se voit tout à l'heure.
Scène 4 : Gingembre – Le père Vairpépair – Floréane – Minerve
Le château de Balleroy en Normandie. La princesse Gingembre joue aux échecs avec le père Vairpépair.
Gingembre
Mon père, échec et mat pour la troisième fois !
Le père Vairpépair
Je déteste ce jeu !
Gingembre
Mauvais perdant, je vois !
Le père Vairpépair
Or ça, vous vous moquez !
Gingembre
Et que ferais-je d'autre ?
Vous jouez aux échecs en bien mauvais apôtre !
Le père Vairpépair
Je préfère les dames…
Gingembre
Un jeu d'adolescent !
Le père Vairpépair
Mais j'y gagne parfois, et je suis bien content.
Gingembre, malicieuse
Encore une partie ? Prenez votre revanche…
Le père Vairpépair
Non merci, je suis las : le voyage d'Avranches
M'a fort exténué.
Il se lève à grand'peine, courbatu, et tâte son crâne pelé avec une certaine nervosité, en bouffant ses pellicules.
Gingembre, à part soi
Où ai-je déjà vu ?…
Quel trouble je ressens à ce crâne tondu,
Dont les doigts décharnés palpent la calvitie ?
Le père Vairpépair, comprenant son étourderie et se murmurant à lui-même
Ne tâte plus ton crâne, ou bien tu te trahis…
Gingembre
Parlons peu, parlons bien : je vous ai fait venir
De votre volonté et par votre désir.
Me direz-vous pourquoi ? Quel motif vous anime ?
Le père Vairpépair, croisant les doigts et d'un air patelin
Madame, la raison, c'est qu'on impute à crime
Certains écrits malsains, libelles et brochures,
Qui sont aux Palaisiens de fâcheuses blessures…
De tous temps l'on connaît Minerve, votre mère,
Sa fureur à trousser force catilinaires
Contre sire Louis, contre tout le Palais.
D'un verbe plus acide on n'entendit jamais
Frapper jusques au vif le roi, les courtisans.
Pour son grade un chacun dans son entier en prend !
Minerve n'y va point d'une plume mollasse
A tailler des costards à cette populace.
Son catalogue est riche, et personne n'échappe
A ses traits foudroyants. Résumons par étapes :
Cire molle est Louis dans les mains des prélats
Qu'il honore en tous lieux d'un zèle trop béat.
Grumpy ? C'est Belzébuth, et Guardian, son sicaire,
Est un coquefredouille aux trompeuses manières ;
Gilbo n'a jamais su distinguer la rotule
D'avec un humérus : pour elle, une fistule
Est un héritier mâle au deuxième degré,
Un pupille indirect qu'on dépouille à son gré…
Le moindre des soldats est un fieffé coquin,
Ivrogne, ripailleur, ruffian, toujours crétin.
L'économe est un ladre, et le grand chambellan
Est l'imbécile en chef de tout le continent ;
Les clercs sont des idiots, les écuyers des niais,
Les échansons, c'est pire ! Un troupeau de dadais.
Serveuses et serveurs, cuisiniers, cuisinières,
Tous sont bons pour l'asile ! Et dans cette galère,
Il n'en est pas un seul pour racheter les autres…
Les laquais ? De stupides benêts qui se vautrent
Dans les pires excès de leur vinasse infecte !
Les barons, parlons-en ! Un grouillement abject
De serpents, de crapauds qui ne songent qu'à nuire,
Mais qui font les yeux doux à ceux qu'ils croient séduire…
Et les ducs, et les pairs, vous pensez que c'est mieux ?
Ceux-ci sont des forbans, ceux-là des orgueilleux,
Pour un regard du roi ils tueraient père et mère,
Ames désenchantées par leur propre misère.
Achevons le tableau, enfin, par les enfants,
Mioches, drôles, gamins et autres garnements :
Aurions-nous espéré que des gnards ingénus
Relèveraient un peu le niveau ? C'est foutu !
Et ça braille et ça chiale, au matin comme au soir,
La fonction de leurs doigts, c'est d'être leurs mouchoirs ;
Insolents, capricieux, méchants comme des teignes,
– On sait bien que sur eux les adultes déteignent… –
Sales, dépenaillés, le cul toujours merdeux,
Jamais on ne les lave, ils dorment dans des pieux
Maculés de leur fiente et de cernes de pisse…
Les ados boutonneux, c'est le sommet du vice !
La main dans leurs calbuts, rarement dans les livres,
Ils n'ont pour tout loisir que de se laisser vivre
Et d'inonder leurs draps de leur passion d'Onan…
Voilà ce que décrit Minerve en ses satires,
Voilà pourquoi ici je suis venu vous dire
Qu'elle devrait, parbleu, tempérer ses discours
Ne point tant brocarder tous ceux qui, à la cour,
De leurs défauts madrés exhibent tant de gloire.
Sa prose pamphlétaire irrite, et nous fait voir…
Gingembre, l'interrompant
Nous ? Pourquoi nous, mon père ? Avez-vous des accès
Auprès du roi Louis ? N'êtes-vous pas profès
Du pays Cotentin ?
Le père Vairpépair, embarrassé
Cotentin… Il est vrai.
Mais parfois, voyez-vous, il nous vient des nouvelles
Et nous voulons savoir… si dîmes et gabelles
Ont été bien perçues, ou si, en pays d'Othe…
Gingembre, l'interrompant encore, et de plus en plus soupçonneuse
Que me chantez-vous là, avecque vos maltôtes ?
Vous dépendez, je crois, du duc de Normandie !
A quel jeu jouez-vous ? Fut-il jamais permis
Qu'un prélat attaché à notre diocèse
Hasardât sa soutane au-delà de Falaise ?
Répondez, je vous prie !
Le père Vairpépair, se tordant les mains
Il est vrai, il est vrai…
Gingembre
Seriez-vous un espion ?
Le père Vairpépair
Par Dieu, je m'en voudrais !
Gingembre
Tout ça est fort confus et je dois y voir clair.
Le père Vairpépair
Madame, enfin ! Je suis le père Vairpépair,
Confesseur patenté du grand duché normand,
Rien de plus, rien de moins…
Gingembre
Mais depuis peu de temps,
Bien trop peu : dites-moi : qui vous a embauché ?
Le père Vairpépair, ne sachant que dire et bafouillant
L'A.N.P.E du coin.
A part soi, réalisant qu'il vient de débiter une sottise
Diable ! Je suis mouché.
Gingembre
Comment ? L'A.N.P.E ? Qu'est-ce donc que cela ?
Le père Vairpépair
Un truc pour les chômeurs : vous ne connaissez pas ?
Gingembre, de plus en plus suspicieuse
Que diable est ce langage ?
Un messager se présente à l'autre bout de la salle, salue Gingembre d'une profonde révérence : celle-ci lui fait signe d'approcher, le messager lui glisse quelques mots à l'oreille. Elle opine du chef, passablement surprise.
S'adressant à Guardian
Or ça, retirez-vous,
Car nous avons pour l'heure à traiter devers nous
Quelque affaire importante et privée :
Le père Vairpépair
Bien madame…
Guardian feint de s'en aller. En réalité, parvenu devant la porte, il se glisse habilement derrière une tenture.
Gingembre, pensive et tourmentée
Où ai-je déjà vu ce bizarre quidam ?
Il se dit confesseur, prélat, tout le toutim,
De ceux qui de leurs pairs veulent gueuser l'estime ;
Il fait le doucereux, me débite un sermon
Qui brosse de ma mère un portrait sans façons.
Son verbe insinuant est un vrai pot de miel
Qui plâtre comme il peut un cœur rempli de fiel ;
S'il fronce les sourcils, c'est pour se mitiger
Tout aussitôt d'un air à ne pas affliger.
Il se tient constamment le cul entre deux chaises ;
Rien de franc dans sa bouche, il répand un malaise
Qui sent le placement d'une ardeur appointée…
Mais par qui, et pourquoi ? Qui l'aurait mandaté ?
Louis ? Ce serait lui présumer au Palais,
Une fonction précise, un office secret…
Non, je n'y souscris pas, c'est indigne d'un roi
De prendre à son service un tel renard matois…
Mais alors, d'où vient-il, et quel est son dessein ?
(à suivre...)
_________________
gingembre- Habitué du forum ++
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Re: Drame au Palais
Scène 5 : Gingembre – Floréane
Floréane est introduite devant Gingembre et la salue avec courtoisie, mais hagarde, excédée de fatigue.
Gingembre
Madame, asseyez-vous…
Elle appelle un homme de service.
Vite, un pain aux raisins,
Et du café aussi, très fort, en quantité !
Floréane
Ah, du pain aux raisins…
Gingembre
Mangez à satiété…
Floréane dévore le pain aux raisins, mais en le regardant, elle fond en larmes.
Cette pâtisserie vous est si douloureuse ?
Confiez-vous donc à moi : quelle mémoire affreuse
Vous fait verser ces pleurs ?
Floréane, éperdue
Un souvenir terrible…
Quelle péripétie ! Quelle aventure horrible…
Une conspiration fomentée par un homme
Tenace, intransigeant, qui pactise avec Rome,
Et qui se gargarise en veux-tu, en voilà
Des épîtres de Paul, de tout le margajat
Contenu dans un livre aimé des pastophores …
Un livre aigre et malsain qui condamne à la mort
Tous ceux qui du chemin austère de l'Eglise
Ont voulu s'écarter pour humer à leur guise
Les capiteux parfums dont Eros, à la nuit,
Enivrent les amants dans leurs troublants déduits.
C'est ainsi que promise à ce fieffé barbon,
Je me suis évadée de l'ignoble giron
Où, princesse en peinture, on me tenait captive
Pour me jeter, oui, moi…, pauvre fille chétive,
Dans les obscènes bras de cet inquisiteur
Qui depuis des années profane ma pudeur,
Et qui, pour me soustraire au damoiseau que j'aime
L'a fait emprisonner.
Gingembre
Le brigand !
Floréane
Il a même
Forgé sous son bonnet le conte d'un complot
Dont l'innocent Pimbi est censé le pivot ;
Il a persuadé le roi, son entourage
Que son dessein formé est de lui faire outrage,
Qu'il veut le détrôner et coiffer sa couronne,
Régner enfin par la cocarde et la dragonne,
Asservir ses sujets à d'inhumaines lois
Dont il fera profit sans nul respect du droit.
Et pour donner du poids aux noirceurs qu'il débite
Il gronde de sa voix de vieillard cénobite ;
Sa grimace enlaidit sa face dévalante
Dont les roulements d'yeux et la bouche écumante
Inspirent la terreur. Et l'on ne voit qu'azur
A cette pitrerie, ineffable imposture !
Qui nous délivrera de son iniquité ?
Et qui démontrera cette fausse piété
Dont les abus sans nombre ont fait plus de victimes
Que la guerre et la peste. Ah, s'il faut par le crime
Se pousser dans le monde en subjuguant les masses,
S'il faut sous le couvert d'une religion crasse
Authentifier son rang en lustrant son visage,
Alors, je renie Dieu, les saints et tous les sages…
Elle allait continuer quand soudain elle aperçoit, près de l'entrée de la pièce, une tenture qui frissonne, comme si quelqu’un se tenait derrière. Elle adresse un regard compellatif à Gingembre et lui murmure, sotto voce :
Y a-t-il une fenêtre ouverte dans la salle ?
Gingembre
Il ne me semble pas.
Floréane
Regardez… des sandales !
Gingembre
Quoi ?
Floréane
Quelqu'un s'est caché derrière un gros rideau.
Gingembre
Faites semblant de rien, j'appelle le prévôt.
Elle actionne un cordon qui pend du plafond au-dessus de son siège : aussitôt un homme se présente discrètement par l'entrée opposée. Gingembre lui désigne la tenture suspecte et lui glisse deux ou trois mots en aparté. L'homme opine et sort.
Les soldats sont en marche… ils vont coincer l'intrus.
Un bruit de porte énergiquement poussée, des pas résonnent sur le dallage, un soldat tâte la tenture, d'autres lui prêtent main-forte, extraient Guardian de sa cachette et l'amènent devant Gingembre et Flo.
Floréane, affolée, se tenant la tête de ses mains
Lui ! Grands dieux !
Gingembre
Vous le connaissez ?
Floréane
Ce malotru !
C'est un traître, un félon, c'est le couteau pendant
De l'infâme Grumpy depuis bientôt trente ans…
Gingembre
Le père Vairpépair serait à son service ?
Floréane
Ce nom de… Vairpépair ! Ah, c'est un artifice,
Un pseudo, subterfuge et rechange du mal,
C'est un fake, alguazil à la solde de Baal,
Son mentor ! Il le paie grassement et l'envoie
Dans tous les coins de France espionner, aux abois,
Les on-dit des sujets de notre pauvre sire
Qui se croit circonscrit d'une troupe de sbires
Résolus à le perdre : et plus il s'en convainc,
Plus le Grumpy s'acharne à lui moudre ce grain,
Au point que depuis peu, exhorté à la guerre,
Il lève des armées et envahit les terres
De ses féaux les plus attachés à sa gloire,
Quand de le bien servir ils se font un devoir.
Gingembre
Quel est donc le vrai nom du père Vairpépair ?
Floréane
Prononcer ce nom-là ! Ah, mon Dieu, quel calvaire…
Il s'appelle… Guardian.
Gingembre
Guardian ? Tout me revient.
Je l'avais vu jadis, au Palais, un matin :
J'y étais envoyée par Minerve, ma mère,
Pour vendre notre cidre et des pommes "Bon père",
Qui comme vous savez viennent du pays d'Ouche.
C'est alors que je croise en un corridor louche
Une figure osseuse avec un crâne chauve ;
Il avait dans son air je ne sais quoi de fauve,
Un long cou de vautour, le rictus d'une hyène…
Tout à coup le pékin, avec un râle obscène :
– Que voilà, me dit-il, fille grasse et charnue
Qui pourrait égayer de sa croupe dodue
Mes soirées et mes nuits. Tu es de Normandie ?
De ce pays, dit-on, la femme est bonne au lit :
Hé, hé, viens donc me voir dans ma morne cellule,
Je t'y honorerai de ma fière mentule,
Et… – J'avais dans ma poche un gluant camembert,
Je l'attrape et lui colle en plein dans la visière.
Il pousse les hauts cris, il m'insulte, il trépigne ;
Et tandis que je fuis arrive en droite ligne
Un petit frère épais de bonne corpulence
Qui s'écrie : "n'est-ce pas là Guardian ?" – Ses instances
A secourir son maître ont servi mes desseins,
Et j'ai quitté bien vite un château si malsain.
Vous comprenez dès lors pourquoi ce charlatan,
Sous le postiche nom qu'il feint chez les Normands,
Remuait dans ma tête un flux de souvenirs…
Sa façon équivoque, en dessous, de sourire,
Ses gestes trop furtifs, ses pupilles obliques,
Dirigées sur ma gorge en lorgnades lubriques,
Son crâne qu'il gratouille avec nervosité,
Les discours qu'il glapit de sa bouche édentée,
N'étaient que comédie, un théâtre : oh, le traître !
Il est venu ici sur ordre de son maître
Grumpy le pharisien, Grumpy le tortionnaire,
De qui les oraisons, roulant comme un tonnerre,
Crachent si grand venin sous ombre de sermons
Où grouille l'armada d'on ne sait quels démons
Pour, dit-il, extirper le mal des cœurs impies,
Et les épousseter comme on fait d'un tapis !
Floréane
Je sais ses intentions, à présent : le pouvoir !
Gingembre
Eh oui, de la piété il instruit aux devoirs,
Mais en catimini, ce qu'il guigne est moins pieux !
J'ai compris ! J'ai compris qu'il veut au nom de Dieu
Détrôner notre sire et imposer un joug
Dont bâtera le peuple un cartel de hiboux.
Il veut substituer à notre monarchie
L'étendard effrayant de sa théocratie.
Princesse Floréane, il faut agir d'urgence,
Empêcher ce dessein de prendre consistance,
Publier hautement ce qui n'est, c'est certain
Qu'un coup d'Etat cafard, œuvre de sacristains.
Floréane, résolue et en colère
J'y vais, noble Gingembre, afin qu'à mon rapport
De ce dix-huit Brumaire on endigue l'essor.
A tous je ferai voir les plis de la soutane
Où pousse le chardon d'un tas de papimanes !
Comme une Walkyrie écumante et guerrière,
Je ferai tournoyer sur les têtes altières
De Grumpy, des docteurs de la foi, de l'Eglise,
Ma flamboyante épée que je nomme Heurtebise,
M'en coûtât-il l'amour, m'en coûtât-il la vie,
Même la privation de cet Irouléguy
Que depuis que je suis éprise de Pimbi
J'ai appris à aimer autant que le Chablis.
Gingembre
Attention ! Le Palais, c'est la gueule du loup !
Floréane
L'honneur qui me conduit est au-dessus de tout…
Gingembre
Noble fille ! Attendez, prenez cette bouteille
A la voir, comme ça, ce n'est pas grand' merveille…
Mais ce qu'elle contient pourrait bien vous servir…
Ne la renversez pas, versez-la dans un buire
Floréane
Qu'est-ce donc ? Son odeur évoque le putois…
Gingembre
C'est un philtre puisé aux sources du Semois.
Floréane
Du Semois ? Nom bizarre…
Gingembre
Un ruisseau des Ardennes
Où l'on dit que Guardian, les nuits de lune pleine,
Fait des incantations à Satan en personne
Afin que du canton où pullulent les nonnes
Il ait droit de cuissage…
Floréane
Ah, gredin !
Gingembre
Calmez-vous…
Nul ne sait, à part moi – c'est secret entre nous –
Que par une magie dont il est ignorant
Mélusine la fée, il y a bien longtemps
Avait élaboré un savant élixir
Composé de tripaille et d'andouille de Vire,
De bave de crapaud, d'urine de lézard,
De fleurs de belladone et de sperme d'isard,
Qui détient le pouvoir de faire apostasier
Les fourbes, les captieux, tous ceux dont le gosier
Sonne faux, corrompu par leur haine et leur rage.
Il suffit d'une goutte mêlée à un breuvage :
La cervelle aussitôt, d'un filtre tamisée,
N'est plus apte à prescrire à la langue empesée
De causer dans le vide : ainsi l'ami Guardian
Ne pourra plus mentir comme arracheur de dent.
Floréane
Je pars : mon étalon Groglobouille est repu,
Je serai au Palais dans trois jours, tout au plus,
J'y confondrai l'envie, la jalousie, le vice.
Louis m'écoutera : pourrait-il sans malice
Refuser plaidoirie à princesse du sang ?
Gingembre
Allez, ma jeune amie : démasquez ce forban,
Le Grumpy, les bedeaux, toute la félonie…
Exigez de Louis qu'il délivre Pimbi.
Je vous soutiens, morbleu, et j'avertis ma mère
Afin qu'avec sa plume elle ouvre une carrière
A cette vérité que tant d'hommes mauvais
Redoutent qu'au grand jour elle éclate jamais.
S'adressant au prévôt en désignant Guardian.
Liez ce capelan à corde et à courroie :
Traînez-le au Palais : il faut que notre roi
Sache enfin quels manants composent son parage,
Qu'il distingue un cafard d'avec un homme sage.
Et qu'un fleuron nouveau à sa gloire ajoutée,
Sur son front resplendisse en gage d'équité.
FIN DU TROISIÈME ACTE
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