Drame au Palais
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Re: Drame au Palais
Acte 4
ACTE IV : le procès
Scène 1 : Pimbi – Jérôme – Daniel – Juju
Un cachot sombre et humide. Pimbi, Jérôme son cousin, Daniel et Juju sont pieds et poings liés à des anneaux de fer rivés à la muraille. Ils croupissent, en loques, sur un lit de paille noire. A portée de main de chacun, une cruche et un pain rassis. On entends des frôlements suspects non loin.
Jérôme
Ces fondamentalistes ! Ces maudits fondamentalistes ! Ils sont là des dizaines…
Ça pullule à foison, la cellule en est pleine.
Pimbi
Je les préfère encore aux fondamentalistes à face humaine :
Ce sont des animaux qui ignorent la haine.
Mais ceux qui sont dehors, cette plate tartine de beurre,
Qui se donne des airs sous des habits d'hermine,
Les magistrats, curés, ces juges décatis,
Ramassis de fripons, coterie de bandits,
Ils se sont tous ligués contre nous : ben voyons !
Il faut bien dans la ruse enrober les soupçons
Du roi, de sa famille et de ses conseillers.
On sait partout qu'un homme, un seul, tout habillé
Du respect qu'il impose avec sa barbe blanche…
Le camail qu'il revêt presque tous les dimanches,
La mosette, l'aumusse et puis sa dalmatique
Quoique tous ces atours soient dévorés des tiques…
Daniel, l'interrompant
Now, stop, please, if you want, on s'en fout ! Bois un coup…
On a the good young boy qui toujours en dessous
Il donne la pinard, et tout ça par derrière,
Et oussi dou cigare, et aussi dou la bière…
Jérôme
C'est le fils du geôlier, un p'tit gars déluré.
Juju
Son père est d'une étoffe à bouffer du curé.
Pimbi
Un brave homme aux abois, réduit à ce métier :
Pour nourrir sa famille, il a dû se rallier
Aux mandarins mitrés qui dans ces murs sévissent,
Plus soupçonneux encor que ne l'est la police…
Juju
Ah, cette erreur fatale au piège nous a pris !
Nous avons mal visé, et notre Irouléguy
Au lieu d'occire l'ost qui nous envahissait,
A détruit notre armée, bourrés comme on était…
Daniel
Je crois que les Français, like that à Azincourt,
Ils avaient picolé dou pinard ! Ça fait lourd
Dans le crâne, ils avaient beaucoup, beaucoup de trouble,
Et devant eux ils voyaient les Anglais en double…
Pimbi
Trêve de tes combats ! J'ai horreur de la guerre,
Ce divertissement, à tant d'hommes si cher,
Ne m'est d'aucun attrait. Depuis l'aube des temps,
On tue, on vole, on viole, on pille impunément.
Ici même au Palais, comble de dérision !
Chacun envers autrui digère l'ambition
De briser sans pitié ce qui lui fait de l'ombre…
Car autrui n'est jamais qu'un rival qui encombre !
Alors on se pavane, et l'on fait le faraud,
Pour forcer le respect du moindre des badauds,
Assujettir le peuple à d'obscures doctrines
Où l'esprit ne voit goutte, et chacun s'achemine
A résigner sa foi, toujours par la menace,
A d'austères barbons dont l'osseuse carcasse
Cherche à tout subjuguer. Mais j'attends, j'ai confiance :
Le roi finira bien par perdre sa patience
Devant tant d'artifice et de déloyauté :
Il verra bien qu'il laisse en toute impunité
D'une capucinière épanouir le mal.
Je vous le dis : un jour, on lira ces annales,
Et…
On entend le bruit métallique de clefs dans une serrure. Un garde entre dans la geôle et dit :
L'on demande ici, les sieurs Juju d'Arrast,
Daniel le Britannique, impie, iconoclaste,
Le jouvenceau Jérôme et son cousin Pimbi.
Suivez-nous tous les quatre, en silence !
Tous se lèvent et sortent, encadrés par une double haie de soldats. Le garde referme la porte de la prison.
Allons-y.
Scène 2 : Le Président – Tonax – Louis – Médéa – Grumpy – Pimbi – Jérôme – Daniel – Juju
La scène se transporte dans une vaste salle tendue de lambris de teinte assez claire. C'est le Tribunal du Palais. Au fond, un grand bureau longitudinal où doivent siéger les deux assesseurs, de part et d'autre du président. A gauche, le prétoire du procureur du Royaume ; face au Président, la barre des témoins ; en léger retrait, le banc des prévenus et celui de l'avocat de la défense. A l'arrivée des quatre prisonniers, le public gronde en les regardant avec mépris. Ceux-ci sont amenés sur leur banc et présentés à Tonax, leur avocat. Ils s'asseyent en attendant le roi Louis, la Reine Médéa et les membres de la Cour.
Tonax, en aparté aux prévenus
Ne soyez pas inquiets : je sais toute l'affaire.
Surtout, ne dites rien : en tout, laissez-moi faire.
Ne répondez jamais que si l'on vous en prie,
Et surtout ne soyez en aucun cas surpris :
Redoublant de discrétion après avoir jeté quelques œillades prudentes autour de lui
Car l'avocat du diable est là, dans cette salle :
C'est lui, l'accusateur, le prophète infernal
Qui se fait un trophée d'imposer sa terreur
En cousant à son froc l'ourlet d'un procureur.
Pimbi
Quoi ? Lui ?
Tonax
Oui, le Grumpy.
Jérôme
Méchant homme, vraiment !
Tonax
Taisons-nous, car voici le Roi et tous ses gens.
Le roi Louis arrive en grande pompe, accompagné de Médéa et de sa suite. Il prend place sur un fauteuil surélevé en arrière du banc dédié au Tribunal. La Reine s'assied à sa droite. En même temps, la Cour fait son entrée : d'abord le Président, puis les assesseurs, enfin le procureur, qui n'est autre que Grumpy revêtu d'un l'habit d'homme de loi. La Cour salue profondément le Roi et la Reine, puis tout le monde s'assied, sauf le procureur qui feuillette un dossier et le Président qui va notifier les actes d'accusation.
Le Président
Prévenus, levez-vous, ainsi que veut l'usage…
Les quatre accusés se lèvent.
Entendez nos griefs, ils sont nombreux : outrage
A Louis, notre sire, ainsi qu'à notre Reine !
Il sera détaillé à chacun ses fredaines :
Pimbi, le kidnappeur d'une grande princesse,
Conspirateur, félon, perdu de mœurs diablesses,
Il doit être prouvé que son jeune cousin
Est aussi son mignon, par la foi du malin.
Juju le gargotier, pour qui toute ripaille
Tient lieu de correctif à une âme canaille.
Daniel, triste sujet de son monarque Edouard,
Imbibé de whisky, imprégné de pinard.
Se tournant vers le procureur.
Maître, c'est à vous…
Grumpy
Sire, en ces lieux de justice.
En prenant la parole, Grumpy, jusqu'ici méconnaissable, dévoile son identité, ce qui provoque une rumeur dans le public qui s'exclame :
Oh…. C'est Grumpy, c'est bien lui…
Grumpy, après avoir fait un effet de manche
J'entre ici en lice
Contre l'orgueil altier d'un jeune scélérat,
Jouisseur, épicurien, bambocheur, apostat !
Lui seul par ses menées a perdu Floréane,..
Où est-elle, à présent ? Voyez-le, il ricane !
En effet, le Pimbi ne se cache pas pour ricaner, ce qui lui vaut un froncement de sourcil comminatoire du Roi Louis, mais curieusement, un sourire bienveillant de Médéa.
Impertinent fripon, souillé de tous les vices,
Et les accumulant en un tas d'immondices !
Amant de son cousin, il se dit amoureux
De Floréane, enfin ! Qu'est-il de plus hideux
Que de donner le change à ceux qui le connaissent…
Car c'est bien d'un garçon qu'il tripote les fesses,
C'est bien d'un innocent qu'il abuse à loisir
Pourvu que sa quéquette ait de quoi se réjouir !
N'est-il pas de délit, grand Dieu, plus haïssable
Que ces cochonneries entre garçons traitables ?
J'invoque tous les saints du divin paradis :
Punissez comme il faut ces palpeurs de zizis !
Ce ne serait encor que frasques de fripouilles
S'ils se satisfaisaient de se toucher la nouille ;
Mais on dit que le soir, en secret ils se livrent
Aux pires infamies que Sade dans ses livres
Tourna, si l'on peut dire, en aimable vertu,
Et que Verlaine enfin, chantant le trou du cul,
Fit un hymne au plaisir qui coûta à Sodome
D'être pulvérisée.
Il observe une pause, essoufflé, à bout d'haleine et s'épongeant le front. Tout à coup, Pimbi, qui a glissé quelque chose à l'oreille de son cousin, se dresse debout sur son banc : Jérôme l'imite, tous deux baissent leurs pantalons et exhibent leurs kikis à l'intention de Grumpy, avec une simultanéité parfaite et en s'esclaffant. Intense réprobation dans la salle et chez sire Louis, mais non de la part de Médéa, qui est pliée de rire et qui murmure à son époux :
Médéa
Voyons comment notre homme
Se tirera de ça : je vous le dis, Louis
Ce procès de tartufe est un scoop inouï…
Grumpy, les yeux exorbités
Vous avez vu ! Monsieur le Président, O rage !
Les cousins ! Quelle horreur ! Faut-il que l'étalage
De leurs virilités n'aggrave pas leur cas ?
C'en est fait, la Justice édifiée les pendra
Haut et court tous les deux, pas plus tard que demain :
Je réclame en son nom la peine qu'au matin
Louis quinze infligea au gangster Ravaillac…
Le Président, l'interrompant
Au… quoi ? Avez-vous donc la tête dans un sac ?
Vous parlez de… gangster, ce terme anachronique
Qui nous fut importé bien plus tard d'Amérique ;
Et ce n'est pas Louis, l'un de nos pires rois
Qui fut assassiné par ce moine à la noix,
Mais Henri quatrième, Henri le Béarnais,
Ancêtre de Pimbi, qu'entre nous, je prierais…
Il s'adresse au prévenu avec une mansuétude suspecte, tout de même, et en biglant fort sa braguette….
De ne plus nous montrer en public ses atours…
Cela ne sa fait point : quoiqu'ils soient faits au tour,
Il n'est pas généreux de me troubler ainsi,
En exhibant à cru vos jolis zigouigouis…
Jérôme, à l'oreille de Pimbi
Dis donc, le Président m'a l'air d'une tafiole,
On dirait Michel Serrault dans la Cage aux folles…
Pimbi
Alors là, c'est tout bon ! On l'a dans notre poche,
Le Grumpy peut toujours dégoiser, ce fantoche :
L'autre nous est acquis, il nous couve des yeux
Et le réquisitoire a pris un coup de vieux…
Jérôme
Un Président bardache ! Oups, on aura tout vu…
Pimbi
Attends encore un peu qu'on serve le menu :
Jusque-là ce n'était qu'une entrée, un hors d'œuvre,
Voici que se dessinent les grandes manœuvres.
Le Président, à Grumpy
Reprenons : vous disiez ?
Grumpy, décontenancé
J'ai des trous de mémoire.
A cause de Guardian : oui, de tous les déboires
Qu'il m'inflige, le bougre, et en me tutoyant !
Lui qui naguère encore était tout déférant,
Il n'a plus de respect… il me nargue, il m'insulte :
Sa morgue est un poison, il en rit, il exulte…
Je reviens à ce… ce… comment le qualifier ?
Pimbi et son cousin : non, non, pas de quartier !
Il faut faire un exemple et donner au bourreau
L'occasion de châtier ces deux méchants poulbots.
Pour moi, vous le savez, tout confit en vertu,
Les femmes ne me sont que motifs de salut,
Et jamais ma pensée ne s'égare sur elles,
Que pour les supplier d'aller à la chapelle,
Egrener leur rosaire et prier à genoux.
A genoux… bon, quand même, il faut bien que j'avoue :
Car, parfois, en été, s'il n'est rien sous leurs robes,
Si peu de leur croupion à ma vue se dérobe
Pour être un franc dévot, on a ses calentures …
Le Président
Quoi ? Un prélat fameux, si âpre à la censure,
Qui a fait le serment, le vœu de chasteté,
Dans de pareils détroits est prêt à se jeter ?
Grumpy
Je confesse mon faible, et par Dieu j'en réponds :
Toutefois ma faiblesse en veut à des jupons ;
C'est là un goût chrétien, conforme à la morale,
Tandis que ces deux-là, honteux sardanapales,
Se vautrent dans la boue des passions décousues,
Leur ébats ne sont rien que des parties de cul !
Tonax, réclamant la parole
Objection, votre honneur !
Le Président
Vous avez la parole.
Bas à Tonax, avec un certain empressement
Soyez ferme, éloquent : ce Grumpy me désole…
Tonax, après avoir approuvé d'un discret hochement de tête
Il est fort surprenant que l'on fasse reproche
A des garçons unis par l'amour le plus proche,
D'avoir été pétris dans cette douce argile
Que d'Alexis et Corydon chanta Virgile !
Pour le flirt de Pimbi avec Flo, la princesse,
Elle-même convient que c'était une adresse,
Un malin subterfuge, voile tout ingénieux
Pour égarer le flair des pervers, des envieux…
Du reste, Floréane a pris un autre amant.
Il est, dit-on, natif du pays des Flamands.
Je ne sais pas son nom, mais j'ai tout lieu de croire
Qu'elle s'est entichée, non loin de l'Eure-et-Loir,
D'un homme qui a fait son chemin de Damas :
Par de loyaux aveux son passé il efface,
Aux genoux de sa belle, il est tombé en pleurs,
Si suppliant, si beau, si fier dans son malheur,
Que Flo lui a juré sur la foi du serment
Que lui seul désormais aurait titre d'amant.
Louis, se levant brusquement
Qu'entends-je ? En cette cour de Justice, on outrage
Un sacrement si vénérable, le mariage ?
N'est-elle pas promise au duc Galiboron,
Natif de la province attenante aux corons ?
Si déjà ce Pimbi a osé la soustraire
A ses devoirs sacrés, alors qu'un voile austère
La mène pour jamais au couvent : là, enfin,
Sa faute elle payera, le Syllabus en main.
Tonax
Mais non, Sire, mais non : Flo n'est pas de ces femmes
Qui prennent un époux pour la vie : et son drame
Serait de supporter un barbon de mari
Et des marmots d'enfants, de mener une vie
Insipide et fatale à sa nature active ;
D'avoir pour tout viatique une ration chétive.
Elle est, pour le déduit, semblable à un gourmand
Qui varie ses plaisirs et, sans affolement,
Papillonne à loisir d'un plat à l'autre plat :
Ici un fort chevreuil, là un tendre verrat,
Des poitrails bien velus, ça oui elle raffole,
Mais ne crache point, non, sur de plus jeunes drôles :
Son éclectisme, enfin, est d'un goût qui raffine
Entre tous les parfums des mets qu'elle décline.
Louis
Vous me la bâillez belle, et votre verbe dru
Cultive un art finaud sous un air entendu :
Seulement…
(à suivre...)
ACTE IV : le procès
Scène 1 : Pimbi – Jérôme – Daniel – Juju
Un cachot sombre et humide. Pimbi, Jérôme son cousin, Daniel et Juju sont pieds et poings liés à des anneaux de fer rivés à la muraille. Ils croupissent, en loques, sur un lit de paille noire. A portée de main de chacun, une cruche et un pain rassis. On entends des frôlements suspects non loin.
Jérôme
Ces fondamentalistes ! Ces maudits fondamentalistes ! Ils sont là des dizaines…
Ça pullule à foison, la cellule en est pleine.
Pimbi
Je les préfère encore aux fondamentalistes à face humaine :
Ce sont des animaux qui ignorent la haine.
Mais ceux qui sont dehors, cette plate tartine de beurre,
Qui se donne des airs sous des habits d'hermine,
Les magistrats, curés, ces juges décatis,
Ramassis de fripons, coterie de bandits,
Ils se sont tous ligués contre nous : ben voyons !
Il faut bien dans la ruse enrober les soupçons
Du roi, de sa famille et de ses conseillers.
On sait partout qu'un homme, un seul, tout habillé
Du respect qu'il impose avec sa barbe blanche…
Le camail qu'il revêt presque tous les dimanches,
La mosette, l'aumusse et puis sa dalmatique
Quoique tous ces atours soient dévorés des tiques…
Daniel, l'interrompant
Now, stop, please, if you want, on s'en fout ! Bois un coup…
On a the good young boy qui toujours en dessous
Il donne la pinard, et tout ça par derrière,
Et oussi dou cigare, et aussi dou la bière…
Jérôme
C'est le fils du geôlier, un p'tit gars déluré.
Juju
Son père est d'une étoffe à bouffer du curé.
Pimbi
Un brave homme aux abois, réduit à ce métier :
Pour nourrir sa famille, il a dû se rallier
Aux mandarins mitrés qui dans ces murs sévissent,
Plus soupçonneux encor que ne l'est la police…
Juju
Ah, cette erreur fatale au piège nous a pris !
Nous avons mal visé, et notre Irouléguy
Au lieu d'occire l'ost qui nous envahissait,
A détruit notre armée, bourrés comme on était…
Daniel
Je crois que les Français, like that à Azincourt,
Ils avaient picolé dou pinard ! Ça fait lourd
Dans le crâne, ils avaient beaucoup, beaucoup de trouble,
Et devant eux ils voyaient les Anglais en double…
Pimbi
Trêve de tes combats ! J'ai horreur de la guerre,
Ce divertissement, à tant d'hommes si cher,
Ne m'est d'aucun attrait. Depuis l'aube des temps,
On tue, on vole, on viole, on pille impunément.
Ici même au Palais, comble de dérision !
Chacun envers autrui digère l'ambition
De briser sans pitié ce qui lui fait de l'ombre…
Car autrui n'est jamais qu'un rival qui encombre !
Alors on se pavane, et l'on fait le faraud,
Pour forcer le respect du moindre des badauds,
Assujettir le peuple à d'obscures doctrines
Où l'esprit ne voit goutte, et chacun s'achemine
A résigner sa foi, toujours par la menace,
A d'austères barbons dont l'osseuse carcasse
Cherche à tout subjuguer. Mais j'attends, j'ai confiance :
Le roi finira bien par perdre sa patience
Devant tant d'artifice et de déloyauté :
Il verra bien qu'il laisse en toute impunité
D'une capucinière épanouir le mal.
Je vous le dis : un jour, on lira ces annales,
Et…
On entend le bruit métallique de clefs dans une serrure. Un garde entre dans la geôle et dit :
L'on demande ici, les sieurs Juju d'Arrast,
Daniel le Britannique, impie, iconoclaste,
Le jouvenceau Jérôme et son cousin Pimbi.
Suivez-nous tous les quatre, en silence !
Tous se lèvent et sortent, encadrés par une double haie de soldats. Le garde referme la porte de la prison.
Allons-y.
Scène 2 : Le Président – Tonax – Louis – Médéa – Grumpy – Pimbi – Jérôme – Daniel – Juju
La scène se transporte dans une vaste salle tendue de lambris de teinte assez claire. C'est le Tribunal du Palais. Au fond, un grand bureau longitudinal où doivent siéger les deux assesseurs, de part et d'autre du président. A gauche, le prétoire du procureur du Royaume ; face au Président, la barre des témoins ; en léger retrait, le banc des prévenus et celui de l'avocat de la défense. A l'arrivée des quatre prisonniers, le public gronde en les regardant avec mépris. Ceux-ci sont amenés sur leur banc et présentés à Tonax, leur avocat. Ils s'asseyent en attendant le roi Louis, la Reine Médéa et les membres de la Cour.
Tonax, en aparté aux prévenus
Ne soyez pas inquiets : je sais toute l'affaire.
Surtout, ne dites rien : en tout, laissez-moi faire.
Ne répondez jamais que si l'on vous en prie,
Et surtout ne soyez en aucun cas surpris :
Redoublant de discrétion après avoir jeté quelques œillades prudentes autour de lui
Car l'avocat du diable est là, dans cette salle :
C'est lui, l'accusateur, le prophète infernal
Qui se fait un trophée d'imposer sa terreur
En cousant à son froc l'ourlet d'un procureur.
Pimbi
Quoi ? Lui ?
Tonax
Oui, le Grumpy.
Jérôme
Méchant homme, vraiment !
Tonax
Taisons-nous, car voici le Roi et tous ses gens.
Le roi Louis arrive en grande pompe, accompagné de Médéa et de sa suite. Il prend place sur un fauteuil surélevé en arrière du banc dédié au Tribunal. La Reine s'assied à sa droite. En même temps, la Cour fait son entrée : d'abord le Président, puis les assesseurs, enfin le procureur, qui n'est autre que Grumpy revêtu d'un l'habit d'homme de loi. La Cour salue profondément le Roi et la Reine, puis tout le monde s'assied, sauf le procureur qui feuillette un dossier et le Président qui va notifier les actes d'accusation.
Le Président
Prévenus, levez-vous, ainsi que veut l'usage…
Les quatre accusés se lèvent.
Entendez nos griefs, ils sont nombreux : outrage
A Louis, notre sire, ainsi qu'à notre Reine !
Il sera détaillé à chacun ses fredaines :
Pimbi, le kidnappeur d'une grande princesse,
Conspirateur, félon, perdu de mœurs diablesses,
Il doit être prouvé que son jeune cousin
Est aussi son mignon, par la foi du malin.
Juju le gargotier, pour qui toute ripaille
Tient lieu de correctif à une âme canaille.
Daniel, triste sujet de son monarque Edouard,
Imbibé de whisky, imprégné de pinard.
Se tournant vers le procureur.
Maître, c'est à vous…
Grumpy
Sire, en ces lieux de justice.
En prenant la parole, Grumpy, jusqu'ici méconnaissable, dévoile son identité, ce qui provoque une rumeur dans le public qui s'exclame :
Oh…. C'est Grumpy, c'est bien lui…
Grumpy, après avoir fait un effet de manche
J'entre ici en lice
Contre l'orgueil altier d'un jeune scélérat,
Jouisseur, épicurien, bambocheur, apostat !
Lui seul par ses menées a perdu Floréane,..
Où est-elle, à présent ? Voyez-le, il ricane !
En effet, le Pimbi ne se cache pas pour ricaner, ce qui lui vaut un froncement de sourcil comminatoire du Roi Louis, mais curieusement, un sourire bienveillant de Médéa.
Impertinent fripon, souillé de tous les vices,
Et les accumulant en un tas d'immondices !
Amant de son cousin, il se dit amoureux
De Floréane, enfin ! Qu'est-il de plus hideux
Que de donner le change à ceux qui le connaissent…
Car c'est bien d'un garçon qu'il tripote les fesses,
C'est bien d'un innocent qu'il abuse à loisir
Pourvu que sa quéquette ait de quoi se réjouir !
N'est-il pas de délit, grand Dieu, plus haïssable
Que ces cochonneries entre garçons traitables ?
J'invoque tous les saints du divin paradis :
Punissez comme il faut ces palpeurs de zizis !
Ce ne serait encor que frasques de fripouilles
S'ils se satisfaisaient de se toucher la nouille ;
Mais on dit que le soir, en secret ils se livrent
Aux pires infamies que Sade dans ses livres
Tourna, si l'on peut dire, en aimable vertu,
Et que Verlaine enfin, chantant le trou du cul,
Fit un hymne au plaisir qui coûta à Sodome
D'être pulvérisée.
Il observe une pause, essoufflé, à bout d'haleine et s'épongeant le front. Tout à coup, Pimbi, qui a glissé quelque chose à l'oreille de son cousin, se dresse debout sur son banc : Jérôme l'imite, tous deux baissent leurs pantalons et exhibent leurs kikis à l'intention de Grumpy, avec une simultanéité parfaite et en s'esclaffant. Intense réprobation dans la salle et chez sire Louis, mais non de la part de Médéa, qui est pliée de rire et qui murmure à son époux :
Médéa
Voyons comment notre homme
Se tirera de ça : je vous le dis, Louis
Ce procès de tartufe est un scoop inouï…
Grumpy, les yeux exorbités
Vous avez vu ! Monsieur le Président, O rage !
Les cousins ! Quelle horreur ! Faut-il que l'étalage
De leurs virilités n'aggrave pas leur cas ?
C'en est fait, la Justice édifiée les pendra
Haut et court tous les deux, pas plus tard que demain :
Je réclame en son nom la peine qu'au matin
Louis quinze infligea au gangster Ravaillac…
Le Président, l'interrompant
Au… quoi ? Avez-vous donc la tête dans un sac ?
Vous parlez de… gangster, ce terme anachronique
Qui nous fut importé bien plus tard d'Amérique ;
Et ce n'est pas Louis, l'un de nos pires rois
Qui fut assassiné par ce moine à la noix,
Mais Henri quatrième, Henri le Béarnais,
Ancêtre de Pimbi, qu'entre nous, je prierais…
Il s'adresse au prévenu avec une mansuétude suspecte, tout de même, et en biglant fort sa braguette….
De ne plus nous montrer en public ses atours…
Cela ne sa fait point : quoiqu'ils soient faits au tour,
Il n'est pas généreux de me troubler ainsi,
En exhibant à cru vos jolis zigouigouis…
Jérôme, à l'oreille de Pimbi
Dis donc, le Président m'a l'air d'une tafiole,
On dirait Michel Serrault dans la Cage aux folles…
Pimbi
Alors là, c'est tout bon ! On l'a dans notre poche,
Le Grumpy peut toujours dégoiser, ce fantoche :
L'autre nous est acquis, il nous couve des yeux
Et le réquisitoire a pris un coup de vieux…
Jérôme
Un Président bardache ! Oups, on aura tout vu…
Pimbi
Attends encore un peu qu'on serve le menu :
Jusque-là ce n'était qu'une entrée, un hors d'œuvre,
Voici que se dessinent les grandes manœuvres.
Le Président, à Grumpy
Reprenons : vous disiez ?
Grumpy, décontenancé
J'ai des trous de mémoire.
A cause de Guardian : oui, de tous les déboires
Qu'il m'inflige, le bougre, et en me tutoyant !
Lui qui naguère encore était tout déférant,
Il n'a plus de respect… il me nargue, il m'insulte :
Sa morgue est un poison, il en rit, il exulte…
Je reviens à ce… ce… comment le qualifier ?
Pimbi et son cousin : non, non, pas de quartier !
Il faut faire un exemple et donner au bourreau
L'occasion de châtier ces deux méchants poulbots.
Pour moi, vous le savez, tout confit en vertu,
Les femmes ne me sont que motifs de salut,
Et jamais ma pensée ne s'égare sur elles,
Que pour les supplier d'aller à la chapelle,
Egrener leur rosaire et prier à genoux.
A genoux… bon, quand même, il faut bien que j'avoue :
Car, parfois, en été, s'il n'est rien sous leurs robes,
Si peu de leur croupion à ma vue se dérobe
Pour être un franc dévot, on a ses calentures …
Le Président
Quoi ? Un prélat fameux, si âpre à la censure,
Qui a fait le serment, le vœu de chasteté,
Dans de pareils détroits est prêt à se jeter ?
Grumpy
Je confesse mon faible, et par Dieu j'en réponds :
Toutefois ma faiblesse en veut à des jupons ;
C'est là un goût chrétien, conforme à la morale,
Tandis que ces deux-là, honteux sardanapales,
Se vautrent dans la boue des passions décousues,
Leur ébats ne sont rien que des parties de cul !
Tonax, réclamant la parole
Objection, votre honneur !
Le Président
Vous avez la parole.
Bas à Tonax, avec un certain empressement
Soyez ferme, éloquent : ce Grumpy me désole…
Tonax, après avoir approuvé d'un discret hochement de tête
Il est fort surprenant que l'on fasse reproche
A des garçons unis par l'amour le plus proche,
D'avoir été pétris dans cette douce argile
Que d'Alexis et Corydon chanta Virgile !
Pour le flirt de Pimbi avec Flo, la princesse,
Elle-même convient que c'était une adresse,
Un malin subterfuge, voile tout ingénieux
Pour égarer le flair des pervers, des envieux…
Du reste, Floréane a pris un autre amant.
Il est, dit-on, natif du pays des Flamands.
Je ne sais pas son nom, mais j'ai tout lieu de croire
Qu'elle s'est entichée, non loin de l'Eure-et-Loir,
D'un homme qui a fait son chemin de Damas :
Par de loyaux aveux son passé il efface,
Aux genoux de sa belle, il est tombé en pleurs,
Si suppliant, si beau, si fier dans son malheur,
Que Flo lui a juré sur la foi du serment
Que lui seul désormais aurait titre d'amant.
Louis, se levant brusquement
Qu'entends-je ? En cette cour de Justice, on outrage
Un sacrement si vénérable, le mariage ?
N'est-elle pas promise au duc Galiboron,
Natif de la province attenante aux corons ?
Si déjà ce Pimbi a osé la soustraire
A ses devoirs sacrés, alors qu'un voile austère
La mène pour jamais au couvent : là, enfin,
Sa faute elle payera, le Syllabus en main.
Tonax
Mais non, Sire, mais non : Flo n'est pas de ces femmes
Qui prennent un époux pour la vie : et son drame
Serait de supporter un barbon de mari
Et des marmots d'enfants, de mener une vie
Insipide et fatale à sa nature active ;
D'avoir pour tout viatique une ration chétive.
Elle est, pour le déduit, semblable à un gourmand
Qui varie ses plaisirs et, sans affolement,
Papillonne à loisir d'un plat à l'autre plat :
Ici un fort chevreuil, là un tendre verrat,
Des poitrails bien velus, ça oui elle raffole,
Mais ne crache point, non, sur de plus jeunes drôles :
Son éclectisme, enfin, est d'un goût qui raffine
Entre tous les parfums des mets qu'elle décline.
Louis
Vous me la bâillez belle, et votre verbe dru
Cultive un art finaud sous un air entendu :
Seulement…
(à suivre...)
gingembre- Habitué du forum ++
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Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
Médéa, l'interrompant avec bienveillance
Permettez, mon époux, que je fasse
A Pimbi et à Jo une question, de grâce…
Louis
Faites donc… Il revient en effet à la reine
D'avoir son mot à dire en un procès sans haine
Où tout doit ressortir à la stricte équité.
Médéa
C'est ce principe, oui, dont je veux me flatter.
S'adressant aux cousins.
Dites-moi, beaux cousins : d'où vient que dame Flo
Se soit embéguinée d'un amoureux nouveau ?
Qu'allait-elle donc faire en des cieux si lointains ?
Elle était, si j'en crois la cible des potins,
Quelque part dans la Soule avec vous, chez Juju ;
Maître en Irouléguy, célèbre pour les fûts
Qu'il perce aux étrangers, et qu'il répand à flots
Sur tous les bambocheurs adeptes du goulot.
Mais à la survenue de notre armée, exit !
Dame Flo a filé comme un météorite…
Pimbi, se levant
Vos officiers, ma Reine, ont la vue plutôt basse :
Un tout petit salon, avec si peu de place !
Elle s'était planquée derrière le piano
Où votre serviteur a joué des rondos,
Sonates, mazurkas, toccatas et préludes,
Les valses de Chopin, et aussi ses études…
Quand ils s'en sont allés, ils n'ont pas démêlé
Qu'un gros poisson manquait à leur coup de filet.
Désignant Grumpy.
Et ce monsieur qui tonne et prêche la vertu
Se frottait tant les mains de nous avoir vaincus
Que pas une seconde il n'a songé à Flo.
Elle est partie de nuit pour aller vers Saint-Lô.
Médéa
Vers Saint-Lô, dites-vous ? Eclairez ma lanterne :
Je ne veux certes pas dire des balivernes,
Mais Saint-Lô, tout de même, est un fort lointain fief :
Pourquoi cette contrée ? Il eût été plus bref
D'aller en Normandie.
Pimbi, embarrassé
C'est que… gentille Reine, et bien… à vous permis :
Saint-Lô est justement au cœur de la province
Dont Guillaume jadis était le noble prince…
Médéa
Je croyais que Saint-Lô était un lieu de cure,
Une source thermale, une villégiature,
Où les malades vont pour guérir de leurs maux
Qu'abus de bonne bouffe ont fait devenir gros !
Pimbi
Où la situez-vous ?
Médéa
Dans le Massif Central.
Pimbi
A côté de Marseille, ou bien de Montréal ?
Médéa
Non, attendez… voilà : à deux pas de Berlin,
La ville du saindoux, ou du calembredain.
Pimbi
C'est quoi, calemdredain ?
Médéa
Je sais pas, c'est un nom
Qui m'est venu komsa, pour rire et pour la rime.
Pimbi
Pour aider Vivounet ?
Médéa
Oui : ah, le pauvre, il trime
A brocher de beaux vers dont la gloire immortelle
Sera pour le royaume un sujet éternel
De fierté sans égal : et jusqu'aux chocolats
Tout portera son nom.
Pimbi
Mais ne savez-vous pas
Qui il est ?
Médéa
Non, hélas ! Le poète se cache
Devers les Astarac : tout prestige le fâche.
Il est dit-on, modeste, et ne veut point d'éclat
Pour briguer un succès qu'il ne recherche pas.
Mais je sais que déjà, du côté d'Oléron,
L'usine à chocolat a forgé ses canons
D'après son effigie.
Pimbi
Ah oui ? On dit aussi
Que tous les choucroutiers de Castelnaudary
Se renomment de lui.
Médéa
Vraiment ? J'en suis heureuse :
Sa veine dramatique est si… si… plantureuse !
Même les vignerons du Tokay, en Finlande,
Sont tout ébouriffés de ses vers, et marchandent
A qui en citera les plus beaux au fronton
De leur Château-Bruilleau dont on sait le renom.
Pimbi
Votre culture, ô reine, est encyclopédique !
Vous êtes un atlas en tous points magnifique,
Et si je me faisais professeur de géo,
C'est chez vous que j'irai l'étudier tout de go.
Louis, en colère
Trêve à tout ce babil ! Nous sommes en procès,
Et l'on parle d'atlas : du sérieux, s'il vous plaît :
Monsieur le Président, la parole est à qui ?
Le Président
Au procureur du roi, sans nul doute, à Grumpy…
Grumpy, passablement contrarié par la longue interruption précédente
Je vois, non sans dépit, que l'épouse du roi,
Médéa, notre reine, a bien mauvais arroi
D'être si agréable à ce triste ignorant
De Pimbi, qui ne sait aucun département,
Qui sans rien démêler place ici des rivières,
Des océans, des monts, des fleuves et des mers,
Qui confond le bulgare avec une station
Où les trains fainéants s'arrêtent sans fiction !
Oui, vous entendez bien : la gare où les trains bullent…
Il fallait la trouver, celle-là : il est nul,
N'a-t-il donc rien appris sur les bancs de l'école ?
Eh ! Comment s'étonner ? Son trip, c'est la picole,
Tous les samedis soir chez Mimile ou Juju,
Dans n'importe quel bar, pourvu qu'il soit pourvu
De bouteilles, de brocs à déboucher en chœur…
Là-dessus, non content de perdre un noble cœur,
Il exhibe en ces lieux son obscène poireau !
Il s'essuie le front, promène un regard sévère sur l'assistance et reprend
Pour tout ce qu'on reproche à ces deux saligauds,
Je requiers une peine exemplaire : et d'abord,
Qu'on les fouette en public, culs nus et sans remords,
Attachés tous les deux au poteau d'infamie,
Et qu'après le bourreau leur coupent le zizi !
Ainsi nous sauverons notre belle morale
Qui lorsqu'elle châtie tous ces gueux, ces vandales,
Ces jouisseurs débridés, ces pourceaux d'Epicure,
Ces sexes ambulants, ces monstres de luxure,
Rembourse aux saints, à Dieu, à la Vierge Marie,
Les excès que partout leur licence a commis.
Une fois bien fouettés, qu'on les pende haut et court,
Qu'on expose leurs corps pour nourrir les vautours,
Qu'une fosse commune efface à tout jamais
Le moindre souvenir de leurs honteux forfaits.
Grumpy range ses dossiers et se rassoit
Le Président
En avez-vous fini ?
Grumpy
J'ai fini, en effet.
Le Président
La parole est à maître Tonax.
Tonax
C'est un fait
Qu'ici maître Grumpy s'acharne avec fureur
Contre les deux cousins : aussi, je n'ai pas peur
De dénoncer chez lui des griefs personnels,
L'exclusive vengeance d'un cœur peu fraternel.
A ce harcèlement je cite pour témoins
Un couple qu'on m'a dit être venu de loin.
Le Président
Qu'il entre promptement.
Dans une ambiance d'effarement général, deux silhouettes se profilent de l'arrière de la salle et s'avancent jusqu'à la barre des témoins. Rumeur parmi l'assistance. Le Roi, la Reine, tout le monde reconnaît la princesse Floréane. Mais la stupéfaction redouble encore de l'identité de celui qui l'accompagne.
(à suivre...)
Permettez, mon époux, que je fasse
A Pimbi et à Jo une question, de grâce…
Louis
Faites donc… Il revient en effet à la reine
D'avoir son mot à dire en un procès sans haine
Où tout doit ressortir à la stricte équité.
Médéa
C'est ce principe, oui, dont je veux me flatter.
S'adressant aux cousins.
Dites-moi, beaux cousins : d'où vient que dame Flo
Se soit embéguinée d'un amoureux nouveau ?
Qu'allait-elle donc faire en des cieux si lointains ?
Elle était, si j'en crois la cible des potins,
Quelque part dans la Soule avec vous, chez Juju ;
Maître en Irouléguy, célèbre pour les fûts
Qu'il perce aux étrangers, et qu'il répand à flots
Sur tous les bambocheurs adeptes du goulot.
Mais à la survenue de notre armée, exit !
Dame Flo a filé comme un météorite…
Pimbi, se levant
Vos officiers, ma Reine, ont la vue plutôt basse :
Un tout petit salon, avec si peu de place !
Elle s'était planquée derrière le piano
Où votre serviteur a joué des rondos,
Sonates, mazurkas, toccatas et préludes,
Les valses de Chopin, et aussi ses études…
Quand ils s'en sont allés, ils n'ont pas démêlé
Qu'un gros poisson manquait à leur coup de filet.
Désignant Grumpy.
Et ce monsieur qui tonne et prêche la vertu
Se frottait tant les mains de nous avoir vaincus
Que pas une seconde il n'a songé à Flo.
Elle est partie de nuit pour aller vers Saint-Lô.
Médéa
Vers Saint-Lô, dites-vous ? Eclairez ma lanterne :
Je ne veux certes pas dire des balivernes,
Mais Saint-Lô, tout de même, est un fort lointain fief :
Pourquoi cette contrée ? Il eût été plus bref
D'aller en Normandie.
Pimbi, embarrassé
C'est que… gentille Reine, et bien… à vous permis :
Saint-Lô est justement au cœur de la province
Dont Guillaume jadis était le noble prince…
Médéa
Je croyais que Saint-Lô était un lieu de cure,
Une source thermale, une villégiature,
Où les malades vont pour guérir de leurs maux
Qu'abus de bonne bouffe ont fait devenir gros !
Pimbi
Où la situez-vous ?
Médéa
Dans le Massif Central.
Pimbi
A côté de Marseille, ou bien de Montréal ?
Médéa
Non, attendez… voilà : à deux pas de Berlin,
La ville du saindoux, ou du calembredain.
Pimbi
C'est quoi, calemdredain ?
Médéa
Je sais pas, c'est un nom
Qui m'est venu komsa, pour rire et pour la rime.
Pimbi
Pour aider Vivounet ?
Médéa
Oui : ah, le pauvre, il trime
A brocher de beaux vers dont la gloire immortelle
Sera pour le royaume un sujet éternel
De fierté sans égal : et jusqu'aux chocolats
Tout portera son nom.
Pimbi
Mais ne savez-vous pas
Qui il est ?
Médéa
Non, hélas ! Le poète se cache
Devers les Astarac : tout prestige le fâche.
Il est dit-on, modeste, et ne veut point d'éclat
Pour briguer un succès qu'il ne recherche pas.
Mais je sais que déjà, du côté d'Oléron,
L'usine à chocolat a forgé ses canons
D'après son effigie.
Pimbi
Ah oui ? On dit aussi
Que tous les choucroutiers de Castelnaudary
Se renomment de lui.
Médéa
Vraiment ? J'en suis heureuse :
Sa veine dramatique est si… si… plantureuse !
Même les vignerons du Tokay, en Finlande,
Sont tout ébouriffés de ses vers, et marchandent
A qui en citera les plus beaux au fronton
De leur Château-Bruilleau dont on sait le renom.
Pimbi
Votre culture, ô reine, est encyclopédique !
Vous êtes un atlas en tous points magnifique,
Et si je me faisais professeur de géo,
C'est chez vous que j'irai l'étudier tout de go.
Louis, en colère
Trêve à tout ce babil ! Nous sommes en procès,
Et l'on parle d'atlas : du sérieux, s'il vous plaît :
Monsieur le Président, la parole est à qui ?
Le Président
Au procureur du roi, sans nul doute, à Grumpy…
Grumpy, passablement contrarié par la longue interruption précédente
Je vois, non sans dépit, que l'épouse du roi,
Médéa, notre reine, a bien mauvais arroi
D'être si agréable à ce triste ignorant
De Pimbi, qui ne sait aucun département,
Qui sans rien démêler place ici des rivières,
Des océans, des monts, des fleuves et des mers,
Qui confond le bulgare avec une station
Où les trains fainéants s'arrêtent sans fiction !
Oui, vous entendez bien : la gare où les trains bullent…
Il fallait la trouver, celle-là : il est nul,
N'a-t-il donc rien appris sur les bancs de l'école ?
Eh ! Comment s'étonner ? Son trip, c'est la picole,
Tous les samedis soir chez Mimile ou Juju,
Dans n'importe quel bar, pourvu qu'il soit pourvu
De bouteilles, de brocs à déboucher en chœur…
Là-dessus, non content de perdre un noble cœur,
Il exhibe en ces lieux son obscène poireau !
Il s'essuie le front, promène un regard sévère sur l'assistance et reprend
Pour tout ce qu'on reproche à ces deux saligauds,
Je requiers une peine exemplaire : et d'abord,
Qu'on les fouette en public, culs nus et sans remords,
Attachés tous les deux au poteau d'infamie,
Et qu'après le bourreau leur coupent le zizi !
Ainsi nous sauverons notre belle morale
Qui lorsqu'elle châtie tous ces gueux, ces vandales,
Ces jouisseurs débridés, ces pourceaux d'Epicure,
Ces sexes ambulants, ces monstres de luxure,
Rembourse aux saints, à Dieu, à la Vierge Marie,
Les excès que partout leur licence a commis.
Une fois bien fouettés, qu'on les pende haut et court,
Qu'on expose leurs corps pour nourrir les vautours,
Qu'une fosse commune efface à tout jamais
Le moindre souvenir de leurs honteux forfaits.
Grumpy range ses dossiers et se rassoit
Le Président
En avez-vous fini ?
Grumpy
J'ai fini, en effet.
Le Président
La parole est à maître Tonax.
Tonax
C'est un fait
Qu'ici maître Grumpy s'acharne avec fureur
Contre les deux cousins : aussi, je n'ai pas peur
De dénoncer chez lui des griefs personnels,
L'exclusive vengeance d'un cœur peu fraternel.
A ce harcèlement je cite pour témoins
Un couple qu'on m'a dit être venu de loin.
Le Président
Qu'il entre promptement.
Dans une ambiance d'effarement général, deux silhouettes se profilent de l'arrière de la salle et s'avancent jusqu'à la barre des témoins. Rumeur parmi l'assistance. Le Roi, la Reine, tout le monde reconnaît la princesse Floréane. Mais la stupéfaction redouble encore de l'identité de celui qui l'accompagne.
(à suivre...)
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Re: Drame au Palais
Louis
Guardian !
Médéa
Princesse Flo !
Floréane
Tels que vous nous voyez, nous venons de Saint-Lô
Nous avons cheminé pendant toute la nuit,
Nous sommes fatigués, mais forts de notre appui
Que nous avons trouvé chez Minerve et sa fille,
Nous voici au Palais. Car il faut qu'enfin brille
La vérité sur tout ce qui a été dit
De ma fuite et du rapt qu'a fait de moi Pimbi :
Il est faux que ce noble et gentil damoiseau
M'a séduite à dessein d'outrer sa libido.
Car il m'a avoué sans délai que son chibre
Qui est, à ce qu'on dit, qu'un fort joli calibre,
Est plutôt destiné à ramoner les trous
Qui n'ont point par-devant la fente d’un minou.
– Or ça, lui ai-je dit : pourquoi donc me ravir ?
– Pour vous soustraire, Flo, à Grumpy, le satyre :
"J'ai su qu'il vous harcèle et ne cesse en tous lieux
"De vous faire sa cour ! Lui, censé être pieux,
"Censé tenir le rôle édifiant d'un prélat
"Qui jamais de la chair ne souille son mandat".
Monsieur le Président, rien n'est plus mortifiant
Que ce que je subis bientôt depuis trois ans !
Désignant Grumpy
Lui ! Lui seul est la cause avérée des méfaits
Qui s'écrivent partout sur les murs du Palais ;
Lui seul a fait la pluie, le beau temps et l'orage !
Et j'en veux pour caution cet autre témoignage :
Montrant Guardian
Cet homme qui fut son valet et son bedeau,
A qui l'autre confiait tout le sale boulot :
Cet homme à qui céans le destin a souri
En l'éloignant enfin du ténébreux Grumpy !
Grumpy, éperdu et déconfit, à part soi
Guardian, il m'a trahi… O ciel, je suis perdu.
Guardian au Président
Il faut que je m'explique.
Grumpy, dans sa barbe
Au diable il s'est vendu !...
Le Président
Parlez donc votre saoul, et qu'en termes galants
Vous narriez à la cour par quels embranchements
Vous vous êtes enfui du Palais… Est-ce à dire
Que notre procureur était votre satyre ?
Guardian
Ah, bien plus que cela : un tyran orgueilleux
Qui méprise les gens et qui, en vers pompeux,
Croit réformer l'Eglise et tous ses serviteurs…
Visage de cagot, plumitif à ses heures,
Poète de raccroc fertile en mauvais vers,
Qui se prend pour Ronsard, Hugo ou Baudelaire…
J'ai dû les digérer pendant de longues nuits,
De son bagout verbeux surmonter un ennui
Qui m'arrachait cent fois les mêmes bâillements…
Mais lui continuait : de sa Muse content
Il mettait mon oreille à un supplice affreux :
Des jeux de mots tordus, des calembours boiteux,
Des termes estropiés, de fades oraisons
Où rarement la rime épouse la raison.
Quant à ses traits d'esprit… un écolier en herbe
En ferait de meilleurs, tant est pesant son verbe :
Epaisse rhétorique enflée de bouffissures,
Comparaisons forcées, faconde sèche et dure !
Si encor son néant s'alliait à ce caprice,
Si cette vanité était son seul office,
Le mal serait moins grand : un poète à la noix
Ne nuit pas à grand'chose : on s'en moque, et des fois
On lui rive son clou de quelques épigrammes,
On lui taille un costard utile à son programme…
Mais lui, ce Trissotin, s'aggrave du despote !
Il règne sur sa cour de prélats à sa botte,
Il régit l'ordre pieux d'une poigne d'airain
Tout doit courber le front dès qu'il lève la main.
Et puis, ce n'est pas tout : Floréane l'a dit,
De ses assiduités, et quoiqu'il s'en dédie,
Partout il la rançonne, et sans relâche aucune
Menace et la poursuit, de l'aurore à la brune .
Voilà le contempteur des aimables cousins !
Il veut leur mort, dit-il ! Et pourquoi ? Car enfin,
Qu'a-t-il à reprocher à ces deux jouvenceaux ?
Pour moi, c'est évident : ils sont frais, ils sont beaux ;
Cette double vertu est un terrible outrage,
Dont sa caducité se fait un tel ombrage
Qu'il ne supporte plus leur présence au Palais…
Ils lui sont une épine enfoncée à jamais
Dans son cœur de granit, et son âme perverse
S'acharne à déprécier par toutes les traverses
Deux garçons amoureux. C'est ça qui le dérange :
A ses yeux cette union est un ruisseau de fange…
Alors il manigance et la nuit et le jour
Leur perte irrémédiable. Ainsi font les vautours
Lorsque la brebis rend son ultime soupir…
Profonde sensation parmi l'assistance. Guardian s'assied.
Le Président
Si vous avez fini, nous allons en venir
A ce qu'on nomme en droit débat contradictoire
Que nous illustrerons par ces deux faits notoires,
Deux versions opposées dans l'esprit et la lettre :
D'une part il est clair qu'il nous faut bien admettre
Que les cousins, ma foi, ne sont pas sans opprobre ;
Qu'on les voit rarement mener une vie sobre,
Qu'ils ont pour le bon vin les doux yeux de Chimène
Que de lever le coude ils ne sont point en peine,
Et que pour adorer le dieu Dionysos
Ils risquent de finir avant peu dans la fosse.
Mais de vivre en paillards, le mal est-il si grand ?
Ce sont de gais lurons qui n'ont rien de méchant.
Que de là on impute à leurs menues gogailles
De leur coudre un surplis de perverses canailles,
C'est aller trop avant, c'est prendre la partie
Pour le tout ; pire encor, c'est attacher un prix
A ce qui n'est chez eux que folie de jeunesse.
Nous avons tous loué leur prodigieuse adresse
A tenir en haleine un public armorié,
Jouant l'un de la flûte et l'autre du clavier.
Le mérite, à nos yeux, serait-il dépendant
Du masque dont on couvre un visage avenant ?
Est-ce un crime, aujourd'hui, que de vivre sans fard ?
Un audacieux fripon saura cultiver l'art
De la duplicité assortie au mensonge ;
Toute opportunité lui est une rallonge
Par laquelle il fignole, en nous dupant au mieux,
Ses desseins malveillants et ses projets douteux.
Bien loin qu'on le réprouve, au contraire on l'admire ;
Il n'est point d'imposteur qui n'ait un grand empire
Sur le peuple crédule à ses discours trompeurs :
On le voit revêtir partout le grand seigneur,
Triompher sans vergogne et sans honte insulter
A ceux qui ont fait vœu d'aimer la vérité.
Ainsi nos deux garçons, dépourvus de malice,
N'ont jamais caressé l'ombre d'un artifice ;
Ils ignorent le sens de ce mot : turpitude.
Ils sont francs, gais, joyeux, c'est leur suprême étude.
Mais comme le chantait le poète sétois
Ils vont sur un chemin qui fait peur au bourgeois ;
Les voilà tout à coup d'une vindicte obscure
Des proies que son auteur leur jette à la figure.
Se tournant vers les jurés
Mesdames et messieurs, je vous demande ici
De peser en conscience et sans nul discrédit,
Ce que ce tribunal, grâce à son éclairage,
Vous a représenté pour rendre l'arbitrage
Le plus sain, le plus vrai et le plus équitable.
Répondez à ceci : Pimbi est-il coupable ?
Si oui, de quel délit ? Nous avons vocation
D'être en tout impartiaux, sans nulle prévention.
Il est temps à présent que vous délibériez,
Retirez-vous ; je vais vous mander un huissier
Qui veillera, la verge en main sur vos ébats…
Mais qu'est-ce que je dis ? Sur vos débats.
Ouh la la, les cousins, vous m'avez fort troublé…
Je dirais même plus : vous m'avez ébranlé,
Avec un é devant dont, si j'avais malice,
J'avouerais bien que je ferais le sacrifice.
Les cousins sont pliés de rire, tandis que le Président minaude en faisant de petites manières galantes
Arrêtez, maintenant. Oh, les vilains garçons…
Pour le prochain procès, mettez des caleçons
Ou de petits boxers qui moulent à ravir
Les suggestifs reliefs de vos secrets désirs.
Jérôme
Mais ne serait-il pas en train de nous draguer ?
Toute la conversation entre les cousins se fait en aparté, à l'oreille
Pimbi
Et sans vergogne encor… Il doit être drogué.
Jérôme
Vise un peu notre roi : il est tout ébaubi…
Pimbi
Et il n'est pas le seul : regarde aussi Grumpy.
Jérôme
Sa barbe se gongonne et son nez se rallonge…
Pimbi
On dirait Pinocchio qui a dit un mensonge.
Jérôme
Dis donc, ton Pinocchio, si on joue sur le mot
Mi français-italien, c'est plutôt rigolo…
Pimbi
Il irait comme un gant à notre président
Il nous mate, le bougre, on doit être alléchants…
Jérôme
Mais il n'est qu'aucun poids : c'est le jury qui tranche…
Pimbi
Tranche, dis-tu ? Eh, eh, c'est que ce mot me branche.
Jérôme
Pourquoi donc ?
Pimbi
N'évoque-t-il pas certain plaisir
Par où le gustatif s'émancipe à loisir ?
Jérôme
Hi, hi, c'est vrai, dis donc : nous avons du Bayonne !
Pimbi
Et du meilleur encore ! Un régal qui nous donne
Une terrible envie de festoyer sans frein
Jusqu'à la nuit, même parfois jusqu'au matin.
Jérôme
Sauf si le tribunal a dressé ses tréteaux …
Pimbi
Et alors ? Chez Satan, c'est rempli de tripots
Où l'on ripaille façon pantagruélique
Des hordes de soiffards, des légions d'alcooliques
S'y pressent en bon ordre, au milieu des chapons
Qu'on brandit en chantant de grivoises chansons.
Crois-moi : on sera mieux là bas qu'en ce Palais
Dirigé par un roi aux ordres des profès,
Et la mort, qui d'ailleurs n'a aucune existence
Vaut mieux que de souffrir des cagots l'insolence.
Jérôme
T'as raison… Mais voici le jury de retour.
Préparons-nous, cousin, au verdict de la cour…
Le jury fait sa rentrée ainsi que les magistrats du tribunal ; un juré remet un papier au greffier qui le présente au Président. Celui-ci, après que le public et les accusés se sont levés, ordonne à tout le monde de s'asseoir, sauf les accusés.
Le Président
Le jury, sur sa foi, a rendu un arrêt.
Je vais vous en instruire, avec force respect.
Accusés, levez-vous ! Ciel, vous l'êtes déjà !
Je perds un peu le nord… C'est que vos fiers appâts
Dont vous avez montré si bel échantillon,
M'ont mis dans un état d'ardente combustion…
Il tortille du derrière et fait des contorsions d'épaules qui suscitent bien des rires à la dérobée
J'en suis tout ébahi, et je me flatte enfin
Qu'on ne vous pendra pas, et que demain matin
Au lieu de tristement monter à l'échafaud
Vous goûterez tous deux un aimable repos.
Ah, mon cœur s'attendrit, et je vous vois déjà
Tendrement enlacés tout nus dessous vos draps.
Il serait fort dommage qu'on occît ces mignons
Au nom de je ne sais quelle Bible à la con.
Il décachette le document rédigé par les jurés, tandis que Grumpy, dans son box, se voile la face, certain à présent que le Président est un suppôt du diable ; pire, un voltairien. Celui-ci s'exclame :
Oh, mais c'est merveilleux ! Tout est écrit en vers,
D'une calligraphie ornée, souple et légère !
Des jambages partout, des pleins, des déliés…
Quel est le doux poète au style si châtié
Qui nous fait le plaisir de rendre un jugement
En beaux alexandrins cadencés comme au temps
Des amants de Clélie où la carte du Tendre
Réglait de Porsenna, Céphise ou d’Artaxandre
Les rendez-vous galants émaillés de soupirs…
Comme tout le monde se marre, cette fois sans fard, il rectifie une pose plus digne et continue.
Le moment est venu, je crois, de tout vous lire…
« Nous jurés, rassemblés pour donner un avis
« sur les faits qu’on impute au dénommé Pimbi :
« attendu qu’en dehors de griefs personnels
« aucune accusation n’a fondement réel…
Hou ! Ce mot, fondement, exerce sur mes sens
Un attrait contigu à la concupiscence…
« attendu que jamais il n’a été prouvé
« que Pimbi soit l’auteur d’un rapt au pied levé
« sur dame Floréane en ses appartements,
« laquelle a déclaré par la foi du serment
« qu’il n’avait nulle part à sa fuite, et qu’encore
« c’était l’œuvre d’un homme hypocrite et retors
« qui en manigançant la perte de Pimbi
« entraînait derechef celle de ses amis ;
« que ce complot tramé par devers notre roi
« n’avait d’autre motif de faire sa proie
« de Flo, qu’il convoitait, afin de la séduire,
« de gré ou bien de force, allant jusqu’à lui nuire
« par cent moyens divers, dont ceux de la prière,
« dont il travestissait ses sournoises affaires ;
« et que pour s’adjuger l’aide d’un lieutenant
« il commit cet office au dépité Guardian
« dont il fit son valet par force et par menaces ;
« ce dernier de son rôle prit la méchante face,
« mais après avoir tant essuyé de dédains
« il résolut de fuir en un pays lointain ;
« ce fut en Normandie : là, par un prompt scrupule
« qui le lie à son maître et qui pour lui stipule
« que parole donnée est parole sacrée,
« sous un faux air de moine habilement plâtré
« et sous un nom d’emprunt, le père Vairpépair,
« il a subtilisé l’art de se contrefaire
« en revêtant le froc d’un humble confesseur.
« mais peu habitué à ce rôle menteur,
« il a bientôt lui-même éventé sa malice
« et Gingembre a percé cet ultime artifice.
« ayant imploré grâce et obtenu pardon
« il a désavoué un à un ses démons.
« attendu donc, enfin, que le procès Pimbi
« n’est qu’un détournement de bien d’autres délits
« qui seront d’ici peu un motif de poursuites
« contre un calomniateur déguisé en jésuite,
« nous prononçons que le roi des pains aux raisins
« est acquitté de droit, ainsi que son cousin.
J’ordonne donc ici relaxe pure et pleine.
S’adressant aux prévenus en refermant le dossier du procès
Mes chéris, vous voilà innocents, pour la peine…
Vous pouvez festoyer autant qu’il vous plaira,
Manger, boire et chanter, et tout le tralala,
Et vous venger de ceux qui vous ont fait du tort.
Il lève la séance, tout le monde s’en va.
FIN DU QUATRIÈME ACTE
gingembre- Habitué du forum ++
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Re: Drame au Palais
Mon dieu, mon dieu...
grumpythedwarf- Habitué du forum ++
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Re: Drame au Palais
Aurais-tu soudainement été touché de plein fouet par la grâce ?
Floréane- Habitué du forum ++
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Re: Drame au Palais
En pleine tronche !
Me voici pieux.
Priez pour le salut de mon âme (si vous la trouvez)
Me voici pieux.
Priez pour le salut de mon âme (si vous la trouvez)
grumpythedwarf- Habitué du forum ++
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Re: Drame au Palais
ACTE V : Epilogue
Scène 1 : Pimbi – Jérôme
Une chambre élégante tendue de velours ocre et orangé qu’éclairent deux chandeliers. La nuit tombe, les cousins sont assis devant une table surchargée de toutes sortes de victuailles et de bouteilles de vin. Ils se tiennent la panse et font régulièrement des rots sonores.
Pimbi
Cousin, je suis très triste…
Jérôme
Et moi bien plus encore…
Pimbi
Quelle victoire amère, et quel accablement…
On ne nous verra pas le fol entêtement
De vaincre un ennemi tombé dans la disgrâce !
Jérôme
Le roi a prononcé contre lui : il menace
De le faire expulser si d’ici à demain
Il n’a pas de l’exil pris l’austère chemin.
Pimbi
Il faut intercéder en sa faveur.
Jérôme
Pour sûr !
J’ai une idée : un mot fait de ton écriture…
Pimbi
Un mot pour notre sire ?
Jérôme
Un mot persuasif :
Quelque chose qui soit éloquent, expressif
Et qui remue Louis jusqu’au fond des entrailles…
Pimbi, pensif
Si nous ne pardonnions, nous serions des canailles…
Jérôme
Alors, écris : mets-toi sans tarder à l’ouvrage.
Soudain, Pimbi se frappe le front, visiblement en proie à une inspiration.
Pimbi
Ah, mais… oui, c’est cela !
Jérôme
Quoi donc ?
Pimbi
Point de ramage,
Point de mélo, il faut retourner le décor,
Offrir à tous les cœurs un libre et plein essor…
Ecoute…
Il glisse quelque chose à l’oreille de Jérôme, dont le visage s’illumine petit à petit jusqu’à exprimer une joie triomphale. Les deux cousins s’embrassent, changement de scène.
Scène 2 : Louis – Médéa
Les appartements privés du roi Louis et de la reine Médéa.
Louis
Hélas, comment ai-je été si longtemps
Aveugle, injuste et sourd ?
Médéa
La perche qu’il vous tend
Est la réparation de toutes vos erreurs…
Je vous l’ai dit souvent, pourquoi tant de rancœur
A l’égard d’un garçon qui n’a nulle malice ?
Pourquoi l’avoir outré de tant et tant de vices ?
Vous ne m’avez pas crue : aujourd’hui tout s’éclaire,
Son âme est un flambeau d’où jaillit la lumière…
Pas une ombre au tableau ne corrompt ce jeune homme,
Il est droit comme un i… Ah, tout cela m'assomme !
Louis
Oui, et je vais de ce pas dissiper le malheur
D’avoir à ajouter à tant d’iniquités
Celle de condamner un vieillard dépité
A un exil mortel.
Il fait appeler le capitaine des gardes.
Pour le père Grumpy :
Je veux que de son sort on ait un grand souci,
Qu’il soit traité ainsi que le prévoient nos lois
Qu’on ne lui ôte rien de ce dont il a droit.
J’ordonne également que partout l’on édite
Un décret par lequel il est plus de mérite
A pardonner à qui exprime un franc remords
De sa faute, fût-elle aggravée de grands torts.
Allez, j'ai dit…
L’officier salue le roi et s’en va.
Ma reine, je suis soulagé :
Ce n'est pas sans raison que je veux partager
Avec vous tout l'honneur d'un moment si précieux.
Faites, je vous en prie, appeler en ces lieux
Le brave jouvenceau que j'ai tant pourfendu,
Et aussi son cousin : tous deux seront promus
Chevaliers à rang de noblesse héréditaire,
Leurs enfants de ce titre auront hoirie entière !
Médéa
Leurs enfants ? Mais enfin il faut sans contredit,
Pour remplir ce dessein qu'ils virent leur cuti !
Oncques ne vit jamais plus bougres chenapans
Que Jérôme et Pimbi : leur nez affale au vent
Qui souffle, doux zéphyr, des rives d'Arcadie ;
Une fille, pour eux, est une entière énigme
Qui ne propose pas le moindre paradigme :
A leurs inclinations la foufoune est rétive,
Et n'offre à leurs désirs que des joies bien chétives ;
La nature, chez l'homme, est un puits de mystère :
Tel naît au monde épris des beautés de la terre,
Tel autre excelle en art, et puis tel autre encore
Qui est né sur la vaste et froide île du nord
Aimera le choco.
Louis
Le choco ?
Médéa
Oui, de Pâques…
Les cloches, les lapins, tout le choco en vrac…
Louis, à part soi
Mon Dieu, ma femme est folle, elle n'a plus sa raison…
Médéa
C'est pourquoi j'ai cité cette île où Robinson
Aborda un beau jour, c'était… oui, un lundi.
Louis
Ah, ne prononcez pas le nom du jour maudit
Qui déroule, ô douleur, une longue semaine
Durant laquelle il faut trimer à perdre haleine…
Mais revenons à l'île : il me semble, je crois
Qu'elle est non pas au nord, mais au sud…
Médéa
Par ma foi !
Sud ou nord, c'est pareil, du moment qu'on y cueille
Du bon choco au lait, ou noir, avec des feuilles
De menthe pralinée, et dedans tout plein d'œufs
A la liqueur.
Louis
Depuis quand le chocolat, euh…
Pousse-t-il sur les arbres ?
Médéa
Depuis… je n'en sais rien,
Et il m'importe peu, pourvu qu'on en ait plein
Importé comme on sait de l'île d'Oléron
Et non pas, quelle erreur ! conçu à Oloron.
Louis
Bon, cessons, voulez-vous, l'éternelle querelle
Qui a créé un schisme au sein de la chapelle
Où s'apprend la géo : pour moi, je vous l'avoue,
Je vois que les esprits sont quelquefois bien fous
D'aller imaginer…
Une rumeur naît sur la place et s'enfle peu à peu, on entend des voix, des rires et des cris d'enfants.
Mais qu'est-ce qui se passe ?
Médéa
On dirait que des gens ont investi la place !
Louis
Tout le Palais est là, groupé par pelotons…
Je vois Grumpy, Guardian, des filles, des garçons,
Pimbi et son cousin, Floréane, Gingembre,
Minerve aussi, Tonax, et Gilbo, tous les membres
Du conseil, les sénateurs, les gens de la cour !
Que font-ils ?
Médéa
Ils se donnent la main… tout autour
De la place, ils vont danser, je crois, et chanter :
Leurs regards sont joyeux, tous sont pleins de gaieté.
Louis
Je crois qu'il se prépare une fête publique…
Un garde entre, porteur d'une lettre : le roi le fait venir, le garde salue et lui tend une lettre.
Un garde
Sire, je suis porteur pour vous d'une supplique…
Louis
Voyons, je l'ouvre… Tiens, c'est un mot de Pimbi !
De nous mêler au peuple en vers il nous supplie.
Médéa
Pourquoi pas ? Après tout, c'est un beau jour de liesse…
Louis
Allons-y, il est temps de tenir nos promesses…
Médéa
Mais avant, mon époux, lisez-moi ce message.
Louis
Volontiers, le voici : c'est écrit sans ambages…
Grand roi, nous sommes fiers d'être de vos sujets :
Sous votre sage égide, au pardon vous songez ;
Vous n'avez point voulu harceler le prélat
Par qui tout le scandale en nos murs éclata :
Sa seule punition sera de vivre un an
Au pays de Tonax, où la pluie et le vent
Sont toujours à demeure et ne cessent jamais,
La tempête y sévit jusque en plein mois de mai,
Souffle furieusement sur tout le littoral
Depuis… voyons… Pékin jusqu'à… Guadalcanal…
Je ne sais plus très bien : si la Reine voulait
Eclairer ma lanterne en géo, je saurais
Où placer tous ces noms qui font bobo ma tête…
Il faut que promptement son grand atlas j'achète…
Mais tout cela n'est rien, et le Drame au Palais
Doit finir aujourd'hui en chansons sous l'air frais
De ce radieux matin qui nous réconcilie
Vous avec la justice, et nous avec la vie.
Venez, sire Louis, venez avec la Reine :
Qu'aucune ombre ne trouble plus votre domaine…
Nous écrirons ensemble un chapitre nouveau
Où le Royaume enfin assaini et plus beau
Sera partout plébiscité comme un modèle
Du cap Horn au Bhoutan jusqu'aux monts Dardanelles…
Scène 3 : tous les personnages de la pièce
Le roi et la reine descendent sur la place : aussitôt, ils se forme une ronde dans laquelle tous les personnages du Drame au Palais se donnent la main. Tandis qu'un orchestre entame un air fort célèbre à l'époque, dont le titre est : "Dive bouteille, quand tu nous tiens", les acteurs de la pièce chantent en chœur et en dansant alternativement de droite à gauche et de gauche à droite, selon la mode chorégraphique palaisienne dite du déhanchement oscillatoire.
Pimbi
Les tonneaux sont percés, on a dressé les tables :
Buvons, buvons gaiement, car le vin est affable.
Noyons-nous dans l'orgie et dans la satiété !
Soyons fous sans vergogne et ivres sans quartier :
Car au bout de la nuit, quand l'aurore poindra,
Nous rirons d'un bon rire sonore et bien gras :
L'aventure est finie, la concorde et la paix
Soufflent un vent heureux et frais sur le Palais,
Tribunal et prison, geôle et greffiers miteux
Ne sont que vieilleries d'un passé laborieux.
Tutti, refrain
Envoie le vin, envoie la bière !
Chantons la joie et la lumière !
Chantons du soir jusqu'au matin,
Et que roulent nos fiers refrains !
De Bourgogne à Bordeaux
Videz-moi les tonneaux !
De Chablis à Sancerre,
La bibine a bon air !
Levons le coude et soyons grivois :
Prenons exemple sur notre roi :
Avé sa couronne de travers
Il s'est déjà envoyé trois bières !
La charcutaille, le jambon
(Car dans le cochon, tout est bon !)
S'amoncelle et s'échafaude :
Mangez, ribauds et ribaudes !
Chœur final, sur l'air de la Marseillaise, repris à deux voix par tous les Palaisiens
Allons, enfants de la mangeaille,
Le jour de bouffe est arrivé !
Contre nous de la boustifaille,
L'étendard Médoc est levé (bis).
Laissez couler dans vos entrailles
Ces pintes de vin délicieux :
Ça fait du bien, ça rend heureux,
Et au diable les buveurs de flotte !
Aux verres, citoyens !
Formez vos pochetrons !
Buvons, buvons, qu'un nectar pur
Abreuve nos sillons !
FIN DU DRAME AU PALAIS
gingembre- Habitué du forum ++
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Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
Merci à Zeno Bee qui m'a transmis l'intégralité de cette pièce afin que nous en ayons la primeur !
gingembre- Habitué du forum ++
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Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
Grumpy a écrit:En pleine tronche !
Me voici pieux.
Priez pour le salut de mon âme (si vous la trouvez)
J'en ai bien croisé une tout à l'heure, en bas résille, jupe fendue et la perruque de travers mais je doute fort qu'elle t'appartienne ou alors... ta piété soudaine t'aurait-elle du même coup fait virer ta cuti ?
Floréane- Habitué du forum ++
- Messages : 51504
Date d'inscription : 27/11/2012
Localisation : plein sud
Re: Drame au Palais
Non point.
Toujours adepte de la faribole, de l'orgie et des excès, mais...
...Avec modération !
Et jamais avant les vêpres...
Toujours adepte de la faribole, de l'orgie et des excès, mais...
...Avec modération !
Et jamais avant les vêpres...
grumpythedwarf- Habitué du forum ++
- Messages : 34157
Date d'inscription : 03/10/2012
Localisation : Au diable Vauvert
Re: Drame au Palais
gingembre a écrit:Merci à Zeno Bee qui m'a transmis l'intégralité de cette pièce afin que nous en ayons la primeur !
bonne lecture à vous tous.
Re: Drame au Palais
Encore un grand merci à Zeno-BEE !
grumpythedwarf- Habitué du forum ++
- Messages : 34157
Date d'inscription : 03/10/2012
Localisation : Au diable Vauvert
Re: Drame au Palais
Pffft ! Et pas à moi hein !
gingembre- Habitué du forum ++
- Messages : 23109
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
Messi, messi, toi aussi t'auras des fleurs !
- Spoiler:
- Vile jalouse !
grumpythedwarf- Habitué du forum ++
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Date d'inscription : 03/10/2012
Localisation : Au diable Vauvert
gingembre- Habitué du forum ++
- Messages : 23109
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : calvados
Re: Drame au Palais
Merci
Medea- Habitué du forum +
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