Le petit garçon et le loup

par Pimbi Jeu 8 Aoû 2013 - 13:39

LE PETIT GARÇON ET LE LOUP

Conte moderne

par Antionius Sejanus Tiberio, ex vice-maire de Lutèce
(texte traduit du latin par Lucius Meganus)

Un jour, un petit garçon rencontra un loup au plus profond d'une immense et ténébreuse forêt. Voici l'intéressante conversation qui eut lieu entre eux :
– Oh ! grand loup, comme tu as de grandes oreilles !
– C'est pour mieux faire semblant de t'écouter, mon enfant…Comme cela, je te donne l'impression d'être attentif aux revendications que tu vas me débiter à m'en faire bâiller, et dont je me moque comme de mon premier mandat.
– Oh ! grand loup, comme tu as de grandes dents !
– Il y a un siècle, je t'aurais dit : c'est pour mieux te manger, mais ces pauvretés sont bonnes pour les amateurs de lofts ; d'ailleurs, les petits garçons ne laissent pas grand'chose à croquer et je préfère les adultes bien en chair.
– Oh ! grand loup, comme tu as une grande gueule !
– C'est pour mieux te berner, mon enfant : viens donc à ma prochaine réunion électorale. Ecoute attentivement et avec le plus profond respect l'amas de sottises que j'ânonnerai pendant trois heures et que mon nègre, mon factotum littéraire, payé au SMIC, aura griffonné pour moi pour ne pas mourir de faim ; bois tout d'une tire et comme parole d'évangile la doucereuse litanie de promesses dont je fourre ma rhétorique ; si après cela tu ne votes pas pour moi, c'est que tu es un mauvais sujet. Surtout, ne raisonne pas, d'ailleurs je n'aime pas les raisonneurs ; laisse-toi plutôt griser par mes serments de lendemains de cocagne et d'époques de miel dont je vais t'emberlificoter en mauvais français ; tu verras, il y a une secrète volupté à être la dupe d’un déclamateur à la Diafoirus, cela donne l'impression de n'être victime de rien, ni du prix des carburants et de l'électricité, ni de la platitude de l'enseignement entretenue à des fins d'abêtissement de la plèbe, ni de la médiocrité, plus artistement cultivée encore, des programmes télévisés, rallonge obligée de l'école aliboron, ni de la duplicité des grands de ce monde et de la fureur qu'ont les masses à chérir l'apathie imbécile et incurable qui est leur pain quotidien et dont on les bâte en se tordant rire, asinus asinum fricat. Or, l'apathie des masses, c'est notre pactole, à nous autres. Notre gloriole dépend directement du consentement du populaire votant et payant à nous hisser au timon des affaires. Nous le méprisons, ce qui ne nous empêche pas de lui faire des courbettes, sous bénéfice d'inventaire.
– Oh ! grand loup, comme tu as de grandes mains !
– C'est pour mieux serrer celles de la foule, mon enfant : il faut serrer les mains de la foule, c'est sale mais ça plaît, tu attrapes une bonne gastro-entérite mais tu y gagnes des suffrages. Le serrement de mains d'un homme politique est une variété de la fellation à usage publicitaire ; tout candidat à l'écharpe tricolore doit en passer par là s'il veut consolider ses espérances.
– Oh ! grand loup, comme tu as un grand zizi !
– C'est pour mieux t'e..., mon enfant…
– Quoi ? Tu veux m'e… ?
– Pardine : autrefois on mangeait les petits garçons, aujourd'hui on les e… ; autre temps, autres mœurs.
– Mais je me plaindrai à la Ligue de Vertu et aux associations contre la pédophilie !
– Tu parles ! Imagines-tu que pour être la dernière des fripouilles, si on est connu, si on a un nom, si on a passé sa vie à faire le fanfaron à la télévision et à protester de sa rectitude morale, on tombe sous le coup des lois qui régissent le commun des mortels ? Crois-tu que si tel édile couvert de délits grimace son innocence à discrétion, si tel ancien patron du FMI est libre au lieu de dormir sur une botte de paille, seul hôtel qu'il soit digne d'occuper, ils le doivent l'un et l'autre à leur probité ? Tu peux toujours te plaindre, j'ai une légion d'avocats à ma botte, ils se chargeront de te clouer ton bec jaune et je sortirai plus respectable d'un procès où tu auras tout à perdre et moi tout à gagner. Et puis, dans deux ans, je pars pour l'Amérique du Sud, avec ce que j'aurai filouté d'argent public, j'ai un compte en Suisse aussi rempli qu'une nappe phréatique après un printemps diluvien, et je me paie autant de petits garçons et de petites filles que je veux, sans une ombre au tableau.
– Sale loup ! Tu n'es qu'une ordure !
– Et alors ? Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? Du moment que je vogue à pleines voiles sur l'océan des intérêts truqués et des avancements lucratifs, que m'importe le reste ? Allez, tourne-toi, et qu'on en finisse.
Le petit garçon fut bien marri mais dut s'exécuter. Le loup ne lui fit point grâce de son âge tendre : il vous perfore le drôle de part en part. Le petit garçon pleura, rentra chez lui, mais bizarrement ne conta pas la chose à ses parents.
On ne sait pourquoi, les jours suivants, il retourna dans la forêt.
Seulement, le loup n'y était plus : il venait de se sauver avec la caisse du son parti, dont il était le trésorier. Cela fit un scandale épouvantable. Quand le petit garçon fut majeur, il s'avisa d'aller rejoindre le loup à Rio de Janeiro, mais comme il avait passé l'âge de lui plaire, celui-ci l'envoya travailler dans une mine de cuivre en Colombie.

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par grumpythedwarf Jeu 8 Aoû 2013 - 16:31

CQFD.

Le conte le plus optimiste depuis des lustres.

par Pimbi Jeu 8 Aoû 2013 - 16:52

grumpythedwarf a écrit:CQFD.

Le conte le plus optimiste depuis des lustres.

Ah, quand même, on se réveille ? Ça roupille, sur le fofo.
Il ne date pas d'aujourd'hui, je l'ai un peu réactualisé.

par grumpythedwarf Jeu 8 Aoû 2013 - 17:02

On a une vie IRL, nous, môssieur !

par Floréane Jeu 8 Aoû 2013 - 17:04

La loi du plus fort (à savoir du plus riche, du plus corrompu, du meilleur phraseur) n'a-t-elle pas toujours été en vigueur quelle que soit l'époque ? Et si cela ne suffit pas, on peut y ajouter la menace, le chantage, la coercition...
Mais la masse indolente à cervelle épaisse se contente en général d'un show rondement mené, de quelques vagues promesses et d'effets de manche.

par Pimbi Jeu 8 Aoû 2013 - 17:06

grumpythedwarf a écrit:On a une vie IRL, nous, môssieur !

IRL ? Keskako ? Introspection rapidement lubrique ?

par Pimbi Jeu 8 Aoû 2013 - 17:08

Floréane a écrit:La loi du plus fort (à savoir du plus riche, du plus corrompu, du meilleur phraseur) n'a-t-elle pas toujours été en vigueur quelle que soit l'époque ? Et si cela ne suffit pas, on peut y ajouter la menace, le chantage, la coercition...
Mais la masse indolente à cervelle épaisse se contente en général d'un show rondement mené, de quelques vagues promesses et d'effets de manche.

Il n'y a qu'à considérer ceux qui ont renfloué les caisses à Sarko : faut le faire, ils l'ont fait. Triste populace...

par Floréane Jeu 8 Aoû 2013 - 17:30

Et pourtant un pays n'est rien sans son peuple : il faut aux dirigeants du mou, du rampant, du troupeau, du taillable et corvéable à merci, de la majorité bêlante et béni oui-oui qu'on peut berner et mener à sa guise. A-t-on jamais vu quiconque régner sur un désert ? Les Mao, Staline, Castro, Ceaucescu et autres Pol Pot ont adjoint la terreur et la torture à leurs propagandes mais ils se sont bien gardés de passer leur pays au lance-flammes : dame, il leur fallait de la main d'oeuvre !
Et puis un jour le magma se réveille, se révolte, déboulonne son tyran, se donne, l'espace de quelques jours, semaines ou mois, l'illusion d'être sorti de son servage, d'avoir pris les rênes de sa destinée. Pour retomber bien vite entre les pattes de plus forts qu'eux, militaires ou religieux opportunistes par exemple, qui vont remettre en place un nouveau processus d'asservissement.

par grumpythedwarf Jeu 8 Aoû 2013 - 17:47

Il suffit de constater ce qui se passe avec la "révolution arabe".
Tunisie, Lybie, Egypte, Syrie...
Ces cons se libèrent d'un tyran pour retomber sur bien pire: l'islamisme !

par Pimbi Jeu 8 Aoû 2013 - 18:06

Finalement, en plus d'être utopiste, je suis anarchiste. Eh oui, l'anarchie, au sens étymologique du mot, c'est ce qui est "sans commandement". Or, les hommes ne pourront vivre en dehors de tout système hiérarchique que quand ils seront des frères les uns pour les autres. C'est le but, l'Homme nouveau, débarrassé des entraves, des erreurs et des insuffisances de l'ancien.
On ne rit pas, Grumpy...

par grumpythedwarf Jeu 8 Aoû 2013 - 18:21

Je n'oserais rire.
De toute façon, je pense un peu comme toi.

par Pimbi Jeu 8 Aoû 2013 - 18:35

grumpythedwarf a écrit:Je n'oserais rire.
De toute façon, je pense un peu comme toi.

Nous avons tant de choses en commun...

Spoiler:

par grumpythedwarf Jeu 8 Aoû 2013 - 18:44

Sale type !
Je te déshérite !

par Pimbi Jeu 8 Aoû 2013 - 18:48

grumpythedwarf a écrit:Sale type !
Je te déshérite !

Ah non, laisse-moi au moins le secret des moules-frites !

par grumpythedwarf Jeu 8 Aoû 2013 - 19:29

Demande à Flo... Rigolo

par Medea Jeu 8 Aoû 2013 - 20:24

ça lui apprendra à être rouge du chaperon, ce sale gosse. Et sa grand-mère, elle était où ?
~~et le beurr~~

par Floréane Ven 9 Aoû 2013 - 0:04

Elle était au cul du loup ! Twisted Evil

par Pimbi Ven 9 Aoû 2013 - 10:39

Medea a écrit:ça lui apprendra à être rouge du chaperon, ce sale gosse. Et sa grand-mère, elle était où ?
~~et le beurr~~

Avec son amant, le garde-chasse, raison pour laquelle le loup courait en toute liberté...
Quant au beurre, vu le prix, ce n'est plus que de la margarine bas de gamme vendue chez Lidl.

par Floréane Ven 9 Aoû 2013 - 11:24

De la margarine ! Constance doit se retourner dans sa tombe !

par Pimbi Ven 9 Aoû 2013 - 11:34

Floréane a écrit:De la margarine ! Constance doit se retourner dans sa tombe !

Kicé, Constance ?

Spoiler:

par Floréane Ven 9 Aoû 2013 - 11:38

Lady Chatterley !

par Pimbi Ven 9 Aoû 2013 - 11:40

Floréane a écrit:Lady Chatterley !

Ah bon ! Mais on est loin de mère grand, là !

par Floréane Ven 9 Aoû 2013 - 11:40

Mais proches du garde-chasse Wink

par Minerve Ven 9 Aoû 2013 - 13:53

Je me souviens aussi d'une certaine Constance Bonacieux dans les trois Mousquetaires! Very Happy

par Floréane Ven 9 Aoû 2013 - 15:34

Ah oui, la nunuche de service !

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